La Corse est en marche vers l’autonomie. Au cours d’un déplacement de trois jours dans le territoire, le chef de l’Etat s’est exprimé devant les élus de l’Assemblée de Corse. Il a clairement affiché son choix en accordant aux habitants et aux élus de l’île ce qu’ils souhaitent depuis longtemps, un nouveau statut qui serait consacré par un article particulier de la Constitution.
Les conditions juridiques pour que cette décision politique soit validée sont drastiques. Il n’y aura pas de référendum à l’échelle de toute la France. C’est la procédure classique de révision de la Constitution qui a été choisie. Le texte doit être approuvé dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis par les deux chambres réunies en congrès.
La République, une et indivisible ?
Les conditions politiques de cette adoption sont encore plus exigeantes. Il faut s’attendre à une forte opposition de la droite au Sénat. Dans le logiciel des Républicains, dignes héritiers des jacobins centralisateurs, il existe cette peur fantasmée du démembrement de la République qui doit rester une et indivisible. Ce courant politique qui s’est forgé dans l’écrasement des singularités des provinces devenues régions, fait semblant de confondre autonomie et indépendance.
Une confusion volontairement entretenue en Martinique aussi, mais dans des cercles plus larges que ceux de notre droite assimilationniste. Les partisans de l’autonomie ne veulent pas de l’indépendance. Le PPM et ses alliés en ont même peur.
C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas sur le point de devenir autonomes, puisque notre élite politique ne veut pas aller plus loin que quelques aménagements des institutions actuelles. Du reste, elle s’aligne sur la grande majorité des citoyens qui ne veulent absolument pas entendre parler d’élargissement des pouvoirs des élus.
Plus de pouvoirs pour quoi faire ?
Nous connaissons tous cet argument, largement partagé au sein de la population, selon lequel qu’avec les prérogatives qu’ils possèdent déjà, nos élus n’arrivent pas à résoudre les difficultés liées à la distribution de l’eau, à la gestion des déchets, au transport… Ce n’est pas avec des pouvoirs et des moyens supplémentaires que le quotidien changera.
L’autre obstacle à la survenue de l’autonomie est l’inexistence d’un projet de société consensuel et original. Nous ne pouvons pas savoir ce que nous voulons faire entre nous et de nous, puisque nous sommes incapables de construire une unité fédératrice. Avec un arrière-pays culturel aussi mince que le nôtre, il est difficile d’imaginer un avenir politique radieux.
Les inquiets peuvent se rassurer. Ce n’est pas de notre vivant que l’autonomie de la Martinique surviendra. Nous avons trop peur de tout pour y arriver. Et nous pouvons compter sur nos élus et donc sur nous-mêmes, puisque nous les choisissons librement pour continuer de nager dans l’épais bocal de notre aliénation mentale qui nous empêche d’imaginer nous-mêmes notre destin.