Collectivité Territoriale de Martinique : la majorité vote contre la majorité

Claude Lise, le président de l'Assemblée de la CTM (1er juillet 2020).
La réunion plénière de l’Assemblée de Martinique, les 30 juin et 1er juillet 2020, a consacré l’existence de désaccords de fond au sein de la majorité. La campagne pour le renouvellement de l’institution, en mars 2021, est bel et bien lancée.
La coalition du "Gran sanblé pou ba péyi’a an chans" est de moins en moins solidaire et n’hésite plus à le montrer publiquement. S’il en était encore besoin, la dernière réunion plénière de l’Assemblée de Martinique a permis de confirmer l’existence de profondes divisions au sein de la majorité.

Les habituelles dissensions entre la majorité et l’opposition tendent à passer au second plan, tant les tensions paraissent vives entre les trois groupes composant l’alliance au pouvoir. Celle-ci est divisée en trois tendances : les fidèles d’Alfred Marie-Jeanne, les proches de Jean-Philippe Nilor et les amis de Yan Monplaisir.

Quatre ans après son avènement en décembre 2015, des élus en sont réduits à réclamer une réelle concertation avec le conseil exécutif pour préparer les décisions. Les discussions échangées durant ces deux journées donnent une impression de malaise grandissant au sein d’une institution déséquilibrée.
 

Deux votes de défiance contre l’exécutif


Ainsi, le compte administratif, ce document comptable validant la gestion financière de l’équipe en place, a été voté à une courte majorité de 3 voix. Les trois élus de l’aile de droite ont joint leur voix à celles de l’opposition.

Yan Monplaisir a voulu montrer sa défiance envers le président du conseil exécutif. Il  reste sourd, selon lui, à ses appels à montrer plus d’audace dans l’amortissement de la crise économique qui se profile après la crise sanitaire. Sa lettre du 26 mai 2020 étant longtemps restée sans réponse puis son entretien, un mois plus tard, avec Alfred Marie-Jeanne, n’ayant pas donné les résultats escomptés, il se démarque du chef de l’exécutif.

L’autre vote, sur le report du budget supplémentaire, essentiellement consacré à soutenir l’activité économique, est l’exemple typique de la dégradation des relations au sein de la majorité. À la demande de Jean-Philippe Nilor, le renvoi à un délai de trois semaines de ce document a été acté par tous les élus de la majorité, auquel s’est joint David Zobda, élu de la minorité.
 

Un emprunt de 210 millions d’euros en jeu


La CTM envisage de souscrire un emprunt de 210 millions d’euros pour contribuer au plan de relance de l’activité économique. Un prêt à intégrer dans un budget supplémentaire de 237 millions d’euros. Les élus ont regretté ne pas avoir été associés à son élaboration. D’où cette demande de plus ample informé.

Il est désormais évident que la CTM vit bel et bien une crise institutionnelle doublée d’une crise politique. Les violations sont flagrantes de l’esprit et de la lettre de la loi du 27 juillet 2011 instaurant la Collectivité Territoriale de Martinique. Les élus départementaux et régionaux ayant négocié cette architecture avec les conseillers du président Nicolas Sarkozy, en 2010 et en 2011, se sont inspirés du modèle corse.

Or, la Collectivité Territoriale de Corse fonctionne de manière harmonieuse. Le respect entre les deux instances est fondé sur une claire répartition des moyens et des objectifs. Et aussi, sur une saine émulation entre autonomistes et indépendantistes, à la tête de ces organes.
 

Le modèle corse n’est pas appliqué


Désormais, les élus regroupés autour de Jean-Philippe Nilor ne veulent plus laisser passer une occasion de dénoncer les pratiques qu’ils jugent autocratiques du président du conseil exécutif, Alfred Marie-Jeanne. Celui-ci a imposé dès le début du mandat, en décembre 2015, une domination du conseil exécutif sur l’assemblée, alors que c’est le contraire qui est prévu par la loi.

Les salves tirées par le camp niloriste contre le camp marie-jeanniste ont précisément pour objectif de tenter de rétablir un minimum d’équilibre entre les deux instances de la CTM et entre ses deux présidents. Les querelles au sein du Gran sanblé se déroulent devant une opposition regroupée autour du Parti progressiste.

Ses élus n’entendent pas servir de force d’appoint aux niloristes. Ils se disent victimes d’ostracisme depuis quatre ans de la part de la majorité. Des pratiques cautionnées par les nouveaux opposants, selon l’expression de Catherine Conconne. Neuf mois avant les prochaines élections territoriales, la majorité se déchire à ciel ouvert. Ce qui augure d’un climat cyclonique.