Comité interministériel des Outre-mer : "aux élus d'Outre-mer d'être vigilants pour rappeler l'État à ses obligations"

Louis Mussington (Saint-Martin), Serge Letchimy (Martinique), Huguette Bello (Réunion), Ary Chalus (Guadeloupe), Ben Issa Ousseni (Mayotte), Gabriel Serville (Guyane).
Le CIOM (Comité interministériel des Outre-mer) s'est finalement tenu mardi 18 juillet 2023 à Paris après plusieurs reports. Élisabeth Borne a annoncé 72 mesures en lien avec les préoccupations quotidiennes des habitants des Outre-mer. Suite aux réactions diverses, nous avons posé trois questions à Justin Daniel, professeur de sciences politiques à l'Université des Antilles

Certains élus semblent satisfaits et d'autres déçus par les mesures annoncées par Élisabeth Borne à l'issue du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) du mardi 18 juillet 2023. Selon le professeur de sciences politiques à l'Université des Antilles, Justin Daniel, les attentes étaient peut-être trop importantes.

Qu'est-ce qu'un comité interministériel et à quoi cela sert-il ?

Il s'agit d'une structure de coordination, comme son nom l'indique de fonctionnalité interministérielle, et de suivi de dossier à partir d'une thématique particulière, en l'occurrence ici, les Outre-mer.
Un comité interministériel ne débouche quasiment jamais sur une révolution. Cela ne permet pas de régler comme par un coup de baguette magique l'ensemble des problèmes.
Le CIOM a suscité des attentes peut-être exagérées de la part des uns et des autres parce que l'on n'est pas toujours conscient de ce qu'est un comité interministériel. Il s'agit d'un ensemble d'annonces qui par touches successives vise à améliorer le quotidien des Martiniquais et plus largement de l'ensemble des ressortissants des Outre-mer.
Cela sert plutôt à définir des orientations et à les mettre en œuvre progressivement.

Plusieurs problématiques comme les enjeux sécuritaires ou la réforme institutionnelle suite à l'appel de Fort-de-France n'ont pas été abordées lors du CIOM. Comment l'expliquer et quelles suites peuvent être données ?

Pour la question institutionnelle, clairement, ce n'est pas la finalité première du comité interministériel. Le gouvernement a choisi de donner la priorité à des mesures sociales, économiques...Pour répondre à des attentes avec parfois un caractère immédiat dans les territoires.
Sur les autres points, le Comité interministériel n'a peut-être pas balayé l'ensemble des questions, mais cela n'exclut pas de la part de l'État des interventions ultérieures pour prendre en charge ces dossiers.

Par la suite, il faudra revenir sur le dossier institutionnel puisque les élus semblent très attachés à une augmentation des responsabilités qu'ils peuvent exercer dans les territoires.

L'intérêt du comité réside moins dans les annonces qui ont été faites que dans le suivi et la mise en œuvre des orientations qui ont été définies. Aux élus et responsables des territoires d'Outre-mer d'être vigilants pour rappeler l'État à ses obligations et au respect des engagements qu'il a pris à travers ce comité interministériel.

Probablement l'une des mesures les plus controversées, la réforme de l'octroi de mer n'a pas été clairement définie. Pouvons-nous croire en sa faisabilité ?

L'état d'esprit à la fois des représentants de l'État et des collectivités territoriales a changé. Il y a encore quelques années de cela, parler d'une réforme de l'octroi de mer correspondait à un gros mot. Certains avaient tendance à faire de ce sujet une sorte de chose sacrée, mais ce n'est plus le cas.

Aujourd'hui les uns et les autres semblent avoir compris que l'on ne peut pas conserver le système en l'état au regard de la problématique de la vie chère. Une fois que l'on considère pour acquis qu'il n'est pas question de remettre en cause le financement actuel des collectivités territoriales.

La question de l'octroi de mer et beaucoup plus de la vie chère abordée sous cet angle est véritablement en débat et les uns et les autres devront en discuter pour dégager un compromis satisfaisant.

Maintenant la réforme qui est annoncée ne se fera immédiatement. Il faut prendre le temps de la mettre en place et les effets ne se feront pas sentir avant 2027. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur la nécessité pour les différents acteurs d'être extrêmement vigilant dans la mise en œuvre effective d'une telle réforme.

Pour l'instant, le gouvernement n'a pas annoncé de date précise d'application pour chacune des 72 mesures. En revanche, Jean-François Carenco, le ministre délégué chargé des Outre-mer, souhaite rencontrer les dirigeants des collectivités afin d'élaborer une feuille de route territoire par territoire.