En septembre 1870, Rivière-Pilote est le théâtre d'une insurrection qui se termine dans le sang.
La société martiniquaise vit dans la misère et l'injustice sociale. le terreau favorable à la colère. La révolte embrase le sud de la Martinique après une altercation et une bagarre le 19 février 1870 entre un fonctionnaire français, aide commissaire de la Marine, Augier de Maintenon, et un commerçant noir, Léopold Lubin.
Les deux hommes se croisent sur la route menant de Rivière-Pilote au Marin.
Le fonctionnaire ordonne au commerçant de le laisser passer. Léopold Lubin refuse, Augier de Maintenon le cravache. Lubin porte plainte mais est débouté. Il jure de se venger.
Ce sera chose faite le 25 avril suivant, au Marin. Léopold Lubin roue de coups Augier de Maintenon mais il sera arrêté et condamné à 5 ans de bagne.
La colère du peuple
Le gouverneur proclame la République, 20 jours après la chute du Second Empire de Napoléon-III, le 2 septembre.
A Rivière-Pilote, la foule réclame le désarmement des blancs et la libération de Lubin.
Les autorités ignorent le peuple, la colère de la foule n'en sera que plus grande.
Le 22 septembre 1870 au soir, l’habitation Mauny, propriété du béké Codé, est incendiée. Son propriétaire se vantait d’avoir été l’artisan de la condamnation de Lubin. “L’affaire Codé" trouve sa source dans le contexte d’une Martinique post-abolitionniste qui a mis en place un système d’une extrême violence à l’égard des travailleurs.
Après le feu de l'habitation Mauny, 25 autres habitations sont incendiées. Un camp d’insurgés est installé à Régale, sur les hauteurs de la ville. Leurs chefs sont Louis Telgard, Eugène Lacaille, Daniel Bolivard. Et une certaine Lumina Sophie, qui s’illustre dans les affrontements avec les forces de l’ordre.
Une répression impitoyable
Les soldats sont impitoyables face aux insurgés. Le bilan officiel s’établit à une centaine de civils tués. Certains historiens estiment plus réaliste le chiffre de 500 victimes d’exécutions sommaires par les militaires. La justice prend le relais. Le conseil de guerre, un tribunal d’exception, prononce en décembre 1871 huit condamnations à mort et quatre-vingt-dix condamnations au bagne en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.
Jean-Marc Party. Journaliste à Martinique la 1ère. Septembre 2021
Meneuse d'hommes, Lumina Sophie meurt au bagne
Parmi les condamnés, Lumina Sophie, de son vrai nom Marie-Philomène Roptus. Cette jeune ouvrière de 22 ans, véritable meneuse d’hommes, participe aux combats alors qu’elle est enceinte. Elle accouche d’un garçon, Théodore, qui lui est volé à sa naissance. Elle s’éteint huit ans plus tard au bagne de Saint-Laurent du Maroni, victime de traitements dégradants.
Jean-Marc Party.
Plusieurs manifestations sont prévues tout ce mois de septembre :
Le 18 septembre dernier, une marche dans les pas de « Lumina Sophie a été organisée à Rivière-Pilote.
Vendredi 30 Septembre à 19h, au Parc de Tivoli, à Fort-de-France, l"association Culture et égalité donne un rendez-vous pour la pièce de théâtre “1870, Femmes au Conseil de Guerre”, afin de découvrir la répression de l’Insurrection du Sud, plus particulièrement, le procès des insurgé.es.
A lire : Gilbert Pago, "L'insurrection de Martinique (1870-1871). Paris, Editions Syllepse. 2011.