Commémorer l’abolition de l’esclavage en Martinique est-il encore utile ?

Au Carbet, à Fort-de-France, au Prêcheur ou encore au Diamant, les martiniquais ont célébré l'abolition de l'esclavage.
« Pli bèl dat? 22-Mé! ». Nous entendrons bientôt scander ce refrain sur tous les tons. Il reste qu’il y a de quoi être étonné du faible nombre d’initiatives déjà programmées pour célébrer la révolution anti-esclavagiste de 1848.
Le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage sera-t-il un fiasco ?
Vu le faible nombre de commémorations envisagées de cet acte fondateur de notre peuple, la question se pose. Bien sûr, il y aura le convoi de la réparation, bientôt lancé. Bien sûr, il y aura le grand rassemblement à l’Habitation Duchamp, à Sainte-Philomène, d’où l’insurrection finale des esclaves a commencé.

Notons que pour la deuxième année consécutive, les maires de Saint-Pierre et du Prêcheur célèbrent en commun l’événement. Les cultures différentes de Christian Rapha, libéral décomplexé de droite, et de Marcellin Nadeau, écologiste souverainiste, ne les empêchent pas de travailler dans la concorde. Rendre ainsi hommage à l’esclave Romain, héros malgré lui du soulèvement ayant amené à la proclamation de l’abolition de l’esclavage, est la preuve d’une notable intelligence politique.

En attendant d’autres programmes à venir, il est à espérer que d’autres maires mouillent leurs chemises pour prévoir des moments de recueillement, des débats avec des historiens ou toute autre initiative d’envergure. Espérons que les dirigeants de la Collectivité Territoriale de Martinique vont proposer une manifestation originale en ce 22 mai 2018, au lieu de la kermesse de l’année dernière.

Il reste que le faible engouement suscité depuis le début de cette année laisse perplexe. Sommes-nous vraiment libérés de l'esclavage ? Sommes-nous réellement capables d’affronter notre passé pour le dépasser ? Pouvons-nous faire semblant d’ignorer que nous ignorons presque tout des conditions de vie de nos ancêtres d’avant 1848 ?

A juste titre, Frantz Fanon écrivait : "Je ne veux pas être esclave de l’esclavage qui déshumanisa nos pères". Des mots qui devraient nous permettre, comme chantait Césaire, "d’avoir la force de regarder demain".