Quand donc va entrer en vigueur le passe vaccinal en Martinique ? Le préfet a précisé qu’il sera mis en œuvre dès que les premiers effets du nouveau vaccin "Novavax" seront tangibles. En clair, quand le taux de vaccination dépassera sensiblement les 46% d’aujourd’hui, d’une part. Puis, d’autre part, dès que le désengorgement de l’hôpital sera en bonne voie.
La prise en compte de ces deux critères lui donnera toute latitude pour alléger, ou pas, les restrictions sanitaires. Le passe vaccinal sera supprimé en France selon la situation sanitaire dans chaque territoire. Ce qui a motivé, ces dernières semaines, certains responsables de l’intersyndicale de la santé et certains carnavaliers pour exiger qu’il en soit de même ici.
Un souhait révélant un paradoxe bien martiniquais. Nous sommes français quand il faut vivre sans entraves, mais beaucoup moins voire pas du tout dès lors qu’il faille prendre soin de ses proches et de sa communauté. Or, nous savons tous que la situation reste très grave.
Les contaminations repartent à la hausse
Selon l’Agence régionale de santé, le taux d’incidence après le Carnaval a grimpé à plus de 2 400 nouveaux cas pour 100 000 habitants, contre 900 la semaine précédente. Ramené à la population réelle, cela donne 7 400 nouveaux cas, contre 3 200 la semaine d’avant. Le nombre de décès ne baisse pas à l’hôpital, entre 5 et 15 selon les semaines. Le nombre de cas graves non plus, oscillant entre 1 et 2% des personnes contaminées par le virus. Les médecins spécialistes de l’hôpital Mangot-Vulcin n'arrêtent pas de prendre en charge des patients souffrant du syndrome dit du "Covid long".
Qui plus est, le variant Omicron est réellement mortel, contrairement à une légende tenace. Nos médecins ne cessent de le dire, au risque d’être inaudibles. Nous ne sommes pas à l’abri du virus. Croire l’inverse est dangereux. En dépit de campagnes de communication maladroites, l’ARS diffuse des informations suffisamment précises pour nous montrer que la Martinique vit sous l’empire du Sars-Cov-2. Et pour de longues semaines encore.
Martinique magique ou Martinique archaïque ?
L’activité économique et la vie scolaire sont au ralenti depuis quasiment deux années. Notre cécité et notre surdité ne changeront rien à ces données objectives. Cette attitude de dénégation de la réalité vient peut-être de ce que la population a parfaitement intégré que ce virus sera présent encore longtemps dans notre vie quotidienne.
Nous avançons l’hypothèse que cette attitude dénégative confinant au suicide collectif revient à admettre que le risque de tomber gravement malade à cause du Sars-Cov-2, voire d’en décéder est, en fin de compte, socialement acceptable. Peu nous importe que nos parents, nos enfants ou nous-mêmes atterrissions au service de réanimation du CHUM. Peu nous importe que la surmortalité inédite due au virus et à ses effets provoque, au-delà du chagrin, des souffrances psychiques durables.
Alors que nous approchons des 1 000 décès à l’hôpital, nous déclarons, collectivement, à nous-mêmes et au monde, que nous n’avons pas peur de ce virus, ni des maladies qu’il provoque ou aggrave.
Face au malheur qui la frappe, la Martinique serions-nous devenus résignés à ce point ? Que dire, désormais : Martinique magique ou Martinique archaïque ?