Crise sociale en Martinique : comment faire baisser durablement les prix ?

Chariots dans un hypermarché de Martinique.
Parmi les revendications à traiter au sein des ateliers mis en place pour surmonter la crise multiple que nous vivons, le sujet sensible de la vie chère. Au-delà de la colère légitime de la population, une question de fond demeure en suspens : comment faire baisser durablement les prix ?

La vie chère devient insupportable, surtout pour les plus démunis, nul ne peut le nier. Pas un mois sans une augmentation de tout ce qui constitue notre quotidien : gaz, carburants, vêtements, voitures, pièces détachées, et bien sûr, produits alimentaires importés ou fabriqués localement. Face à une révolte légitime des consommateurs et une colère compréhensible de la population, que faire ?

Qu'est devenu le bouclier qualité prix ?

À moins de trouver des solutions pérennes cette fois, rappelons tout de même que les précédentes concertations sur le sujet n’ont débouché sur des décisions d’effet immédiat qui se estompées avec le temps. Les Etats généraux de l’outre-mer après la crise de février-mars 2009 ont permis d’élaborer un "bouclier qualité-prix". Qu’est-il devenu ?

Le Livre bleu Outre-mer, publié en mars 2018, synthèse des Assises pour l’outre-mer, quelques mois après l’élection de l’actuel président de la République, avait mis en avant notamment les incohérences de la formation des prix à la consommation. Quelles décisions correctives ont-elles été prises ? La loi Lurel de 2012 relative à la régulation économique outre-mer se proposait de mettre fin aux pratiques commerciales anti-concurrentielles.

L’ancien ministre des Outre-mer y dénonçait la persistance de monopoles et d’oligopoles dont l’action néfaste pèse lourdement sur le coût de la vie quotidienne. Pourquoi les décrets d’application ne sont toujours pas appliqués ? Pourtant, le chef de l’État a repris à son compte l’analyse selon laquelle une escouade de profiteurs fait la pluie et le beau temps sur le tarif du fret maritime, en toute impunité.

File de chariots dans un hypermarché aux Antilles Françaises.

Le coût de la vie est élevé depuis la colonisation

Dans ces conditions, la tâche des négociateurs chargés de trouver de nouveaux mécanismes de fixation et de régulation des prix à la consommation s’avère quasiment impossible. Quelles sont les options à envisager pour amortir ou empêcher l’envolée du coût de l’énergie, des denrées alimentaires et des produits de première nécessité ? Trêve de pessimisme, les défaites les plus cruelles sont celles des combats que l’on n’a pas menés.

Néanmoins, il convient de se rappeler que le coût de la vie a été élevé depuis les premiers temps de la colonisation. La mise en valeur des territoires conquis au XVème siècle par la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal et la Hollande supposait d’y interdire le développement de l’industrie. Il convenait de réserver la production, essentiellement agricole, aux acteurs économiques de la métropole coloniale - armateurs, commerçants, banquiers.

Manifestants sur un barrage.

Faire la révolution ?

Ainsi, l’écrasante majorité des produits que nous consommons vient de l’extérieur, depuis toujours. En outre, ils sont frappés par l’octroi de mer, une taxe dont les recettes alimentent le budget de la CTM et des communes. Les prix des marchandises importées sont également alourdis par les frais de transport et par les marges bénéficiaires des intermédiaires. Au total, tout est mécaniquement plus cher dans les territoires périphériques que sur le continent.

Contester ce principe de réalité suppose de modifier notre système économique et notre organisation politique. Donc, de développer l’industrie, l’agriculture et la pêche pour diminuer les importations. Donc, de casser les monopoles et la logique mortifère de notre commerce extérieur. Donc, de renoncer à l’octroi de mer et d’abaisser la TVA. Contester ce principe de réalité revient donc à promouvoir un nouveau modèle de société. Donc, faire la révolution. La révolution en Martinique en 2021 ? Les rêves sont libres…