La commémoration des émeutes du 20 au 22 décembre 1959 à Fort-de-France est l’occasion, chaque année, de s’arrêter sur ces événements tragiques, désormais bien connus. Une initiative des élus de l’époque mérite de s’y arrêter.
Les conseillers généraux de décembre 1959 étaient-ils des précurseurs ? A la suite des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, soldées par la mort de trois jeunes hommes, le Conseil général vote une résolution à l’unanimité. Le fait est notable.
A l’issue de trois jours et nuits d’escarmouches plus ou moins violentes, le 24 décembre au matin, les conseillers généraux exigent « que des conversations soient entamées immédiatement entre les représentants qualifiés des Martiniquais et le Gouvernement pour modifier le statut de la Martinique en vue d’obtenir une plus grande participation à la gestion des affaires martiniquaises ».
Bien entendu, cette motion restera lettre morte. Bien au contraire, le pouvoir central va renforcer son autorité et son emprise sur la gestion des affaires locales. Les élus sont peu à peu marginalisés par le préfet, voire ignorés. L’administration étatique prend le pas sur les représentants du peuple alors qu’ils avaient l’habitude d’une certaine autonomie de pensée et d’action.
Le phénomène est observé également en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion, dans les anciens colonies devenus départements une petite douzaine d’années auparavant seulement. La prééminence des hauts fonctionnaires nommés pour un court séjour s’accompagne de l’accentuation du clivage entre deux camps politiques bien délimités.
Deux camps politiques s'opposent désormais
Sur la droite de l’échiquier, les partisans de l’assimilation. Ce sont les plus fidèles partisans de la politique du gouvernement envers l’outre-mer. Ils mettent en avant l’appartenance éternelle de la Martinique à l’ensemble français. Leurs revendications se basent sur l’égalité des droits sociaux, dans le droit fil du général de Gaulle
Sur la gauche, ceux qui réclament un accroissement de la responsabilité politique du Conseil général. Ce sont les partisans de l’autogestion, dénommée plus tard l’autonomie. Ils sont représentés essentiellement par le Parti communiste et le tout récent Parti progressiste.
Six décennies plus tard, ces deux camps antagonistes se sont rapprochés à mesure que la mouvance indépendantiste prenait de l’ampleur. La doctrine de l’assimilation a été frappée d’obsolescence, l’égalité des droits sociaux et politiques étant acquise.
L’autonomie n’est plus à l’ordre du jour, ses promoteurs y ayant renoncé. Il n’empêche qu’avec le recul, nous pouvons nous demander si les élus de décembre 1959 n’étaient pas en avance sur leur temps.