La destruction des deux statues de Victor Schoelcher que compte la Martinique, ce 22 mai 2020, a suscité d’innombrables commentaires et réactions, locales ou extérieures. Cet acte pose la question du nécessaire débat sur les grandes figures de notre histoire.
Le bris des deux statues de l’abolitionniste républicain français, à Fort-de-France et dans la ville portant le nom de Victor Schoelcher, est diversement apprécié. La destruction de ces monuments constitue un crime de lèse-majesté pour certains, un acte de vandalisme pour d’autres, un signe de méconnaissance de pans entiers de notre histoire tourmentée pour d’autres encore.
La plupart des responsables politiques qui ont réagi à ce geste inédit le condamne fermement. Le président de la République s’est mêlé à ce concert de protestations. Il dénonce "les actes qui salissent la mémoire de Schoelcher et celle de la République". La ministre des Outre-mer ne dit pas autre chose.
C’est dire si le traumatisme est important. L’acte revendiqué par deux jeunes femmes s’exprimant dans une vidéo postée sur des réseaux sociaux est de la même veine qu’un communiqué signé "Lanmounité". Cet acte est considéré comme politique et symbolique.
Ces militants protestent contre la trop grande place conférée, selon eux, à Victor Schoelcher dans la destruction du système esclavagiste, par rapport aux luttes menées par nos ancêtres insurgés. Par exemple, ils déplorent qu’aucun statue ne soit édifiée en hommage à Romain.
L’arrestation de cet ouvrier de l'Habitation Duchamp, à Sainte-Philomène, le 20 mai 1848, a provoqué une insurrection à Saint-Pierre et au Prêcheur. Ces incidents ont amené le gouverneur Rostoland, trois jours plus tard, à signer un arrêté interdisant l’esclavage dans la colonie. Le communiqué de Lanmounité est explicite. "Non, Schoelcher n’est pas notre sauveur" y est-il écrit.
Ce groupe estime que notre mémoire collective doit retenir le geste de désobéissance de Romain à son maître, à l’origine directe du soulèvement victorieux des esclaves. Ce qui n’est pas le cas, près de deux siècles plus tard. Hormis la Savane des esclaves, aux Trois-Ilets, Romain n’est guère statufié.
Un argument permettant de s’interroger sur le niveau réel de compréhension des principaux événements jalonnant notre histoire tourmentée. Ceux qui condamnent un geste leur paraissant inutilement violent se sont-ils préoccupés de savoir si nos compatriotes disposent tous du même degré d’information sur notre héritage commun ? Qui osera dire que tous les Martiniquais connaissent l’histoire de leur pays ? Quand et où l’auraient-ils apprise ?
Qui peut prétendre que nous sommes, chacun de nous, au clair sur les grandes figures de notre passé ? Quelles sont les institutions publiques de préservation de notre mémoire collective ? Les esclaves insurgés et les nèg mawon ont-ils la même importance dans notre inconscient collectif que les abolitionnistes français comme Schoelcher ? Qui nous l’a expliqué et démontré ?
Condamner est sûrement légitime, pour qui s’estime offusqué par un geste d’une rare détermination. Pourtant, n’est-il pas tout autant légitime, ce cri de colère poussé par une fraction de la population ? Qu’avons-nous à perdre à engager un débat sincère et nécessairement fécond sur notre héritage commun et les mille et une manières de le valoriser ?
La plupart des responsables politiques qui ont réagi à ce geste inédit le condamne fermement. Le président de la République s’est mêlé à ce concert de protestations. Il dénonce "les actes qui salissent la mémoire de Schoelcher et celle de la République". La ministre des Outre-mer ne dit pas autre chose.
C’est dire si le traumatisme est important. L’acte revendiqué par deux jeunes femmes s’exprimant dans une vidéo postée sur des réseaux sociaux est de la même veine qu’un communiqué signé "Lanmounité". Cet acte est considéré comme politique et symbolique.
Une place trop importante pour Schoelcher ?
Ces militants protestent contre la trop grande place conférée, selon eux, à Victor Schoelcher dans la destruction du système esclavagiste, par rapport aux luttes menées par nos ancêtres insurgés. Par exemple, ils déplorent qu’aucun statue ne soit édifiée en hommage à Romain.
L’arrestation de cet ouvrier de l'Habitation Duchamp, à Sainte-Philomène, le 20 mai 1848, a provoqué une insurrection à Saint-Pierre et au Prêcheur. Ces incidents ont amené le gouverneur Rostoland, trois jours plus tard, à signer un arrêté interdisant l’esclavage dans la colonie. Le communiqué de Lanmounité est explicite. "Non, Schoelcher n’est pas notre sauveur" y est-il écrit.
Ce groupe estime que notre mémoire collective doit retenir le geste de désobéissance de Romain à son maître, à l’origine directe du soulèvement victorieux des esclaves. Ce qui n’est pas le cas, près de deux siècles plus tard. Hormis la Savane des esclaves, aux Trois-Ilets, Romain n’est guère statufié.
Qui connaît vraiment Romain ?
Un argument permettant de s’interroger sur le niveau réel de compréhension des principaux événements jalonnant notre histoire tourmentée. Ceux qui condamnent un geste leur paraissant inutilement violent se sont-ils préoccupés de savoir si nos compatriotes disposent tous du même degré d’information sur notre héritage commun ? Qui osera dire que tous les Martiniquais connaissent l’histoire de leur pays ? Quand et où l’auraient-ils apprise ?
Qui peut prétendre que nous sommes, chacun de nous, au clair sur les grandes figures de notre passé ? Quelles sont les institutions publiques de préservation de notre mémoire collective ? Les esclaves insurgés et les nèg mawon ont-ils la même importance dans notre inconscient collectif que les abolitionnistes français comme Schoelcher ? Qui nous l’a expliqué et démontré ?
Condamner est sûrement légitime, pour qui s’estime offusqué par un geste d’une rare détermination. Pourtant, n’est-il pas tout autant légitime, ce cri de colère poussé par une fraction de la population ? Qu’avons-nous à perdre à engager un débat sincère et nécessairement fécond sur notre héritage commun et les mille et une manières de le valoriser ?