Des Martiniquais disent stop aux dégradations volontaires de monuments aux morts dans l’île

Marche citoyenne contre le saccage de monuments aux morts en Martinique (8 juillet 2023 à Fort-de-France).
Des citoyens ont défilé silencieusement dans les rues de Fort-de-France samedi 8 juillet 2023, à l’appel de plusieurs personnalités, contre le saccage répété de monuments aux morts dans l’île depuis des mois. "Respect pour ceux qui se sont battus pour notre liberté", c’est le cri d’alarme des participants.

Une cinquantaine d’anonymes, de personnalités politiques et de la société civile martiniquaise, ont défilé en silence dans les rues de Fort-de-France samedi 8 juillet 2023, pour dire stop aux destructions récurrentes de monuments aux morts dans plusieurs communes du territoire.

Une cinquantaine de participants à la marche silencieuse contre la dégradation réccurrente de monuments aux morts en Martinique (8 juillet 2023).

Cette initiative a été mise en place via les réseaux sociaux par un groupe de citoyens, dont des professeurs d’histoire tel que Sabine Andrivon-Milton. Cette dernière a beaucoup travaillé sur les questions mémorielles, relatives singulièrement aux deux guerres mondiales (14-18 et 39-45), durant lesquelles plusieurs martiniquais ont donné leur vie.

Nous rappelons que des monuments ont été financés par des martiniquais, pour des martiniquais, et qu’ils ont été pendant longtemps des lieux de recueillement pour les familles, qui pour la plupart, n’ont pas récupéré les corps des soldats.

Sabine Andrivon-Milton
L'historienne Sabine Andrivon Milton (tee-shirt blanc) défile contre la détérioration des monuments aux morts en Martinique (8 juillet 2023).

"Respect pour nos morts"

Les monuments aux morts témoignent des conflits passés et rendent hommage aux soldats morts pour la France. Au-delà du vandalisme dont ces stèles font l’objet, il convient de s’interroger sur les réelles motivations des auteurs.

Car souvent, ces dégradations sont accompagnées de messages hostiles à la France, d’où le caractère politique que revêtent ces actes volontaires. Selon l’avocate et autrice Catherine Marceline qui a participé à la marche, se livrer à ces détériorations est "une méconnaissance totale de notre histoire".

Avant de dire qu'il y aurait un acte politique, il faudrait savoir qui en est à l'origine et s’il n'y a pas d'instrumentalisations, ce que certains pensent. La réalité aujourd'hui c'est que quelles que soient les motivations, cela dénote une méconnaissance totale de notre histoire (…). Nous sommes une majorité à refuser qu'une minorité refasse l'histoire, oublie la contribution de nos compatriotes pendant des siècles à l'histoire du monde (…).

Mt Catherine Marceline du barreau de Fort-de-France

"Il y a de la violence dans ces dégradations"

Maître Catherine Marceline, présente lors de la marche contre la saccage de monuments aux morts en Martinique (8 juillet 2023).

Et puis il y a un manque total de respect pour la mémoire de ceux qui se sont battus et qui sont morts. Si on ne dit rien, nous laissons la porte ouverte à d’autres débordements et je crois surtout qu'il y a une chose très très importante, c'est qu’il y a avant tout de la violence dans ces dégradations (…). Donc il faut dire NON par principe, ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas discuter, néanmoins, puisqu'il y a eu violence de mon point de vue (c'est l'avocate qui parle), il faut qu'il y ait sanction. Mais il faut peut-être aussi expliquer, pour que cela ne recommence pas.

Catherine Marceline

Autre participant, l’ancien professeur de d’histoire-géo, Serge Thaly, qui considère lui aussi qu’il y a "une méconnaissance absolue de l’histoire et une inadaptation du système scolaire en Martinique".

Tant qu’on ne va pas résoudre le problème de l'enseignement en Martinique, ce genre de choses va perdurer (…) donc il faut expliquer. Il y a des amis qui disent qu’il faut mettre des plaques explicatives puisqu’on ne va pas réformer l'éducation du jour au lendemain. Mais je pense que c'est surtout la méconnaissance. Quand on fait une action politique on le fait à visage découvert (…). Ce sont des gars qui ne connaissent rien et c'est triste pour eux.

Serge Thaly, retraité de l’éducation nationale

Pour l’ex conseiller territoriale, Miguel Laventure qui a répondu à l’invitation, "on offense la mémoire" des compatriotes tombés au combat.

Il y a de ma part une grande interrogation et incompréhension, que l'on puisse s’en prendre à des compatriotes martiniquais qui ont donné leur vie pour une cause pour que nous puissions être dans une authenticité de liberté et que l’on offense leur mémoire (…). Cette manifestation citoyenne me paraît bienvenue.

Miguel Laventure, ancien élu

Miguel Laventure, ancien élu de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), lors de la marche contre le saccage de monuments aux morts dans l'île (8 juillets 2023).

"Ceux qui donnèrent leur vie pour la défense des valeurs de la République"

Ces "lieux de mémoire" restent des piliers de la commémoration et témoignent de la filiation entre les différentes générations combattantes (…). Honorer la mémoire de ceux qui donnèrent leur vie pour la défense des valeurs de la République, rendre hommage à toutes les victimes des guerres et transmettre la mémoire des conflits aux jeunes générations, tels sont les enjeux de la commémoration et des monuments aux morts, toute à la fois lieux et devoir de mémoire.

Béatrix Pau, historienne militaire, enseignante au lycée Jean Moulin de Béziers

(cheminsdememoire.gouv.fr)

Plaque rendant hommage aux anciens combattants à Fort-de-France.

Pierre Poidevain a fait la guerre d’Algérie (de 1954 à 1962). Âgé aujourd’hui de 82 ans, il n’a que 3 mots pour qualifier les saccages : "pénible, horrible et dégoûtant".

Plus de 2500 martiniquais sont "morts pour la liberté" durant les deux premières guerres mondiales, ainsi que celles d’Indochine et d’Algérie d’après les statistiques officielles.