"À quelque chose, malheur est bon". Ce proverbe semble illustrer la crise de société que nous vivons depuis un mois. Comme si le moment est venu de mettre à profit cette énième mobilisation populaire contre la cherté de la vie pour nous poser la seule question qui vaille, celle de notre modèle de société.
Abaisser les taux des taxes sur les produits importés ne sera qu’un premier pas, si toutefois un accord est signé entre le gouvernement, la Collectivité Territoriale de Martinique et la grande distribution. En fait, le débat sous-jacent porte sur une réflexion collective sur le mieux-vivre dans notre belle île qui, comme l’écrit Aimé Césaire, est "une version absurdement ratée du paradis".
L’idée se diffuse qu’il importe de modifier notre mode de consommation. Le coût de la vie peut baisser en utilisant plusieurs leviers. Par exemple, en soutenant la production agricole locale, comme le propose le président du conseil exécutif, Serge Letchimy. Nous délaissons les fruits à pain et nous plaignons du prix des pommes de terre. Nous dédaignons nos packs d’eau en bouteille et leur préférons ceux venus de Savoie.
Repenser un modèle obsolète
Une autre manière de casser la spirale de notre dépendance à l’importation de produits européens est de commercer avec la Caraïbe et les Amériques. Des verrous réglementaires persistent, qu’il est possible et souhaitable de casser par la loi.
Ce discours est tenu sur d’autres segments de l’échiquier politique. Christian Rapha, maire de Saint-Pierre et vice-président de CAP Nord chargé du développement économique, proche de Catherine Conconne le tient aussi. Dans un entretien accordé à nos confrères du magazine Antilla, il place en bonne position, parmi les solutions à envisager, l’encouragement à la production locale, l’ouverture aux marchés des pays voisins et la modification de notre manière de consommer.
Une énième crise multiforme
Il va plus loin en disant que "la crise de la vie chère nous oblige à repenser notre modèle politique" en recherchant le consensus trans-partisan. Pour lui, la crise actuelle révèle une faillite collective de nos élus. "Sinon, comment expliquer autrement que le RPPRAC a écarté les politiques ?", se demande-t-il.
Nous pouvons nous demander, en effet, s’il est normal que des représentants autoproclamés du peuple se situent sur le même plan que nos représentants issus des élections. La crise de légitimité démocratique est plus profonde que nous le pensons.
Désormais, les signaux abondent qui montrent que l’organisation de notre économie, le fonctionnement de nos institutions et les discours politiques ne correspondent plus aux attentes de la population. Sachant que le système actuel génère les inégalités sociales, la frustration puis la révolte citoyenne, n’est-il pas temps de redéfinir les principes fondant la société martiniquaise ? Ne serait-ce que pour éviter des convulsions à n’en plus finir.