ÉDITORIAL. Vie chère : reculer pour mieux sauter pour supprimer l’octroi de mer

Le grand port maritime de Martinique
Lors de sa dernière réunion plénière des 3 et 4 octobre 2024, l’Assemblée de Martinique a décidé d’ajourner sa décision sur la suppression de l’octroi de mer sur 54 familles de produits de première nécessité pour lutter contre la vie chère. Le débat est loin d’être clos.

Les élus ont suivi le président du conseil exécutif. Il veut obtenir un document synthétisant les garanties de l’Etat qui se dit disposé à participer à la baisse des prix en Martinique. Des discussions ont eu lieu en coulisses de la dernière réunion plénière de l’assemblée, ce vendredi 4 octobre, entre le gouvernement et Serge Letchimy. Au retour de cet échange, celui-ci a convaincu ses collègues que la Collectivité territoriale de Martinique ne doit pas s’engager tant que l’Etat ne fournit pas sa signature l’engageant à diminuer les taux appliqués à la TVA.

Ce qui est en jeu, c’est la baisse concomitante de la TVA, du ressort du gouvernement, et de l’octroi de mer, à l’initiative de la CTM. Si c’est le cas, le consommateur le verra sur son ticket de caisse. C’est ce qui est en jeu.

Une décision difficile à prendre

Pour autant, il n’est pas acquis que tous les élus suivent cette logique.

L’assemblée doit se prononcer dans les prochains jours, mais le groupe d’opposition du Gran sanblé se dit sceptique. La suppression partielle de l’octroi de mer sera sans effet, selon son chef de file Daniel Marie-Sainte si les importateurs, les commerçants et l’Etat ne s’engagent pas aussi.

Ceci dit, afin de ne pas grever les budgets des communes, l’exécutif de la CTM prévoit de compenser le manque à gagner sur les produits de consommation courante – les denrées alimentaires et les produits d’hygiène - en augmentant la taxe sur des produits de seconde nécessité - les téléviseurs ou les ordinateurs par exemple. La perte de recettes devrait être nulle. Il faudra voir si les maires et le Gran sanblé seront rassurés.

Ce débat se déroule en même temps qu’un autre, portant sur la réforme de l’octroi de mer envisagée par l’ancien ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et la Cour des comptes. Dans plusieurs notes publiées ces derniers mois, l’économiste martiniquaise Mireille Pierre-Louis met en garde contre cette refonte.

Elle explique que le pouvoir central veut, en réalité, supprimer cette taxe prélevée au bénéfice des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. L’idée est de la remplacer par une TVA au taux de 20% au lieu des taux réduits actuels 2,1% et 5,5%. Ces nouvelles recettes versées au budget de l’Etat lui permettraient de renflouer ses caisses au détriment de nos territoires, estime cette experte renommée en finances publiques.

Le débat est loin d’être terminé

Nous saurons bientôt si le gouvernement actuel va reprendre à son compte ce projet. L’octroi de mer représente le tiers des ressources des communes de Martinique. Par ailleurs, il aide les industriels à atténuer l’impact négatif de l’importation massive en agissant comme une mesure protectionniste.

Rien n’est fixé là non plus. Toutefois, qu’il soit réformé, refondu, revu ou supprimé, l’octroi de mer va demeurer encore un bon moment en tête de notre agenda politique et économique.