En ce 1er mai 2023, quel avenir pour le syndicalisme en Martinique ?

Défilé de plusieurs syndicats à Fort-de-France (illustration).
Les syndicats et leurs adhérents défilent ensemble à l’occasion de ce 1er mai 2023, journée internationale de lutte des travailleurs. Le moment est d’autant plus opportun cette année, que la réforme des retraites n’est pas digérée par une majorité de français. Au cours de ces rassemblements, les organisations en profitent aussi pour montrer leur force, leur unité et leur utilité. Mais qu’en est-il en Martinique ?

Quel est l’avenir du mouvement syndical martiniquais ? Ces derniers temps, certains le voyaient menacé dans ses fondements et sa pérennité. Ne voilà-t-il pas qu’il vit une résurgence à la faveur de la contestation de la réforme des retraites.

En dépit de divergences tactiques et de désaccords secondaires, l’intersyndicale constituée sur ce front, montre la solidité de notre mouvement social. Attention ! Ceci ne signifie pas qu’il est complètement remonté du creux de la vague dans lequel il était tombé après la crise sociétale de février et mars 2009.

Des moments difficiles

À l’issue de cette vaste mobilisation populaire inédite, un reflux de l’activité syndicale avait été enregistré. De larges pans de l’opinion s’étaient déclarés insatisfaits ou frustrés des résultats obtenus. Oubliant au passage l’augmentation de 200 euros des salaires proches du SMIC. Ou encore l’instauration d’un "Bouclier Qualité-Prix" au bout d’interminables réunions en préfecture pour établir une liste des produits de première nécessité et fixant un certain encadrement de leur prix de vente.

Un autre moment difficile pour le mouvement syndical a été la grève générale de novembre 2021. Très vite, l’intersyndicale a  été débordée par la violence de la rue. Barrages routiers et exactions ont entaché la mobilisation contre la vie chère. Ce qui a créé une certaine confusion au sein de la population entre lutte sociale légitime et actes violents individuels inadmissibles.

Grève mal commencée et peu maîtrisée

Les dirigeants syndicaux ont été suffisamment lucides pour suspendre cette grève mal commencée et peu maîtrisée. Depuis, nous observons un regain d’intérêt pour le fait syndical. Toutefois, nombre de syndicalistes constatent que leur fonction a évolué ces dernières années.

Manifestation syndicale à Fort-de-France (illustration).

De défenseur des intérêts matériels et moraux des travailleurs au sens large, le syndicat tend à se transformer en un prestataire de services pour résoudre les difficultés des citoyens et des consommateurs. Le militant syndical n’est plus un expert en dialogue social, un spécialiste de la grève, ou un conseiller en droit social. Il est aussi avocat, assistante sociale, conseiller conjugal, médiateur de rue.

Des machines électorales

Des fonctions d’autant plus volontiers exigées que la demande d’insertion sociale reste forte au sein de notre population. Et cela, alors que les formations politiques ont presque totalement disparu du paysage. Elles ne sont plus des centres de formation civique et des producteurs d’idées, mais des machines électorales. Les élus, quant à eux, sont débordés par mille urgences et injonctions contradictoires au sein des institutions qu’ils administrent.

Un rôle de régulateur des tensions

Peu à peu, le mouvement syndical s’est éloigné des forces politiques, au détriment des citoyens qui ne savent plus vers qui se tourner pour espérer une vie meilleure ou la résolution de problèmes immédiats. Les syndicats occupent la place vacante en étant les réceptacles de la souffrance au travail, de la pauvreté en expansion et du décrochage social.

En tout cas, la singularité de nos syndicats forgés historiquement dans le combat anticolonialiste couplé à la lutte pour l’égalité des droits, se réoriente vers un rôle de régulateur des tensions à l’œuvre dans notre société. Il reste à savoir s’il s’agit d’une tendance passagère ou d’un fait durable.