Il y a 69 ans, Léontine Bucher fonde son magasin de tissus à Fort-de-France. Ses portes s’ouvrent sur le 4 rue Antoine Siger et au 5 rue Lamartine. Avant, le magasin appartenait à la famille Benoit-Jeannette qui vendait des tissus et des photographies.
Léontine Bucher qui s'habille avec élégance, commande ses tissus en Suisse, Inde, France, Angleterre et Italie.
Elle mise sur la qualité au point où ses fournisseurs suisses lui réservent l’exclusivité sur certains tissus.
Sa réputation dépasse la Martinique. Ses clients viennent de Guyane, de Guadeloupe et de Sainte Lucie.
Un jour, la Reine du Danemark, accompagnée de son époux et de sa dame de compagnie, franchissent la porte pour acheter le véritable madras vendu dans le magasin.
Le madras chez Léontine Bucher vient d’Inde. Le coton y est cultivé et tissé à la main par les artisans dans la ville de Madras.
Le tissu est teint avec les pigments naturels pour obtenir le jaune ocre du vrai madras, une couleur impossible à copier industriellement.
On vient acheter les plis de madras pour soulager les coliques des bébés et les rhumatismes.
Les femmes enceintes l’utilisent pour soulager le poids du ventre. On l’attache autour des reins pour porter la charge du bébé.
On a beau le laver, le vrai madras retient toujours son odeur un peu boisé et chaleureux. Chez Léontine Bucher on réalise des coiffes avec le tissu madras.
Le chanteur Henri Salvador est un client qui passe son temps à plaisanter dans le magasin.
La chanteuse Léona Gabriel-Soïme, une cliente fidèle, utilise la collection du magasin pour illustrer son livre "Ça ! C’est la Martinique".
Chez Léontine Bucher on s’habille pour toutes les occasions. Les baptêmes, les communions, les messes, les mariages, les décès...
Broderie suisse, brocart de soie, alpaga, organdi, dentelle, tulle, tweed, lin, laine et tweed, ces rouleaux de textiles côtoient le linge maison brodé en France.
On confectionne les vêtements de ville, les robes de cocktails et de soirées. Ici on habille les reines de carnaval et les touloulous. On y trouve aussi des chapeaux, des gants, des sacs et des accessoires.
Pour les clients fidèles, la fermeture de Léontine Bucher est une perte immense.
Je viens ici depuis 40 ans. Ici c’est la qualité que j’achète. Je suis triste parce que le magasin va fermer.
Josette, cliente chez Léontine Bucher
Pour le personnel aussi, ce magasin est beaucoup plus qu’un commerce.
C’est un magasin très ancien et donc ça représente quelque chose d’important pour la ville. Mais tout ce qui est ancien s'en va. C’est le dernier, c’est dommage. Maintenant peu de personnes font de la couture donc il n’y a pas grand monde qui achète du tissu. Les gens ne s’habillent plus comme avant.
Aurélie, vendeuse chez Léontine Bucher depuis 18 ans
Lors du décès de Léontine Bucher en 1986, ses héritiers tiennent à maintenir le magasin.
De nouveaux types de textiles et les produits moins chers sont rajoutés. Il faut changer de couleurs et de matières pour s’adapter à la mode.
Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence, la population ne s’habille plus comme avant. Les chiffres d’affaires baissent.
Les touristes s'arrêtent toujours pour visiter ce lieu qui représente la Martinique ancienne. Léontine Bucher figure dans le guide du Routard.
Le magasin est au nombre du patrimoine commercial de Fort-de-France, comme le bijoutier De Rogatis ou le magasin de chaussures Siniamin, entre autres...
Ils appartiennent à une époque particulière, celle de l’élégance et du savoir-faire des artisans et des commerçants foyalais, du temps de la splendeur commerciale de la ville.