La gauche martiniquaise sortira-t-elle de sa léthargie ?

Des figures de la gauche martiniquaise (De droite à gauche), Jean-Claude Ecanvil, maire du Carbet, la sénatrice Catherine Conconne, la conseillère territoriale Patricia Telle, le conseiller territorial Félix Catherine et David Zobda, le maire du Lamentin.
Le sentiment d’appartenance à la gauche dite classique ou modérée est-il encore palpable ? Ce courant éparpillé aux quatre coins de l’échiquier politique éprouve du mal à définir une identité perdue.
 
Cadenassée pour partie dans la majorité et pour partie dans l’opposition au sein de l’Assemblée de Martinique, la gauche semble perdre son âme. Ses voix ne sont plus guère entendues, sauf lors des prises de parole aux séances plénières de l’Assemblée de Martinique. Il faut se contenter de ces réunions publiques de la CTM pour entendre les ténors de la gauche s’exprimer. Ils ont choisi depuis longtemps la gestion des collectivités au détriment de l’affirmation de leurs idéaux.

Comme si le pragmatisme, ou ce qui en tient lieu, a remplacé l’idéologie. C’est le lot des opposants qui parviennent aux affaires. Une fois choisis par les citoyens pour les diriger, ils ont tendance à mettre en sourdine leurs conceptions.
Le moratoire sur le mot d’ordre de l’autonomie pour la nation martiniquaise décrété par le Parti progressiste en juin 1981 se situe dans cette logique. L’allié historique de nos autonomistes, le Parti socialiste français, avait donc les mains libres pour impulser une nouvelle politique de l’Outre-mer.
 

Le pragmatisme met la doctrine au second plan


L’histoire retiendra que frustrations et déceptions ont été au rendez-vous. Ces trente dernières années, la gauche n’a cessé d’osciller entre la rigueur de la realpolitik et la tentation de l’émancipation. Et ce, tout en essayant de sauvegarder un semblant d’unité. Il reste que c’est l’éparpillement qui prévaut depuis le début de la décennie 2010.

Dispersée en plusieurs formations, la gauche est scindée en deux pôles. La ligne de partage est matérialisée par l’alliance avec les indépendantistes du MIM et leurs alliés.

Ainsi, le Rassemblement démocratique pour la Martinique (RDM), né en 2006 de la démission du PPM de Claude Lise et de ses camarades, a choisi le MIM pour partenaire. Or, son orientation en faveur de l’autonomie l’inclinerait à pencher vers le PPM. Ce serait faire fi des rancoeurs entre les dirigeants de ces deux formations.

Le Parti communiste est lui aussi intégré à la coalition majoritaire de la Collectivité Territoriale. En perte de vitesse, il doit impérativement renouveler son projet, ses méthodes et ses dirigeants. Fer de lance de la conscience populaire dans l'immédiat après-guerre et avant-garde de la contestation, il a perdu son influence ces quarante dernières années.
 

Un courant politique dispersé dans un paysage balkanisé


Ce qui n’est pas pour déplaire au PPM. Désormais au centre de l’échiquier, il a trouvé des alliés pour contrer la droite et les indépendantistes. La coalition "Ensemble Pour une Martinique Nouvelle" (EPMN) tient encore plusieurs positions fortes dans les communes. Sa défaite aux élections territoriales de 2015 lui a offert l’occasion de tenter une refondation. Les élections municipales de mars 2020 constitueront un premier pas vers la reconquête de la CTM, un an plus tard.

Dans le paysage balkanisé de la gauche, la fédération du Parti socialiste (FSM) tente de survivre dans un relatif isolement. Le changement de gouvernance incarné par Béatrice Bellay semble payer, le nombre des adhérents étant reparti à la hausse. Il reste aux socialistes à définir des perspectives originales et novatrices. Il fut un temps où se dire de gauche avait une signification. Qu’en est-il en 2019 ?