Gérald Darmanin crispe certains de nos élus par ses propos sur l’autonomie

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, à l'Assemblée nationale, le 17 novembre 2022.
Les propos tenus par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer le 2 février 2023 au colloque organisé par le magazine Le Point à Paris, ont suscité de vives réactions courroucées de plusieurs de nos élus. Ils reprochent de nous infantiliser. Et s’il tenait le même langage que nos élus ?

Et si Gérald Darmanin avait raison ? Et si le ministre de l’Intérieur était, finalement, en harmonie avec nos élus ? Commentant les demandes portant sur d’éventuelles évolutions des institutions de nos territoires, il déclare :

Il faut savoir dire aux Ultramarins que vous n'aurez d'autonomie demain que si vous êtes capables de produire ce que vous mangez, ce que vous consommez comme électricité. Et c'est par la richesse économique que vous aurez des recettes. Ce n’est pas par des subventions.

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des Outre-mer

Dérapage contrôlé ? Gaffe diplomatique ? Rétropédalage en vue ? Rien de tout ceci. Gérald Darmanin est le ministre en charge des Outre-mer et sait parfaitement ce qu’il dit. Même s’il a un ministre délégué à ses côtés, Jean-François Carenco, le président de la République lui a donné les pleins pouvoirs pour dialoguer avec les exécutifs et avec les parlementaires de nos collectivités.

Maladresse langagière ou évidence réaffirmée ?

Sans trahir sa pensée, le ministre de l’Intérieur a réaffirmé que des modifications du cadre administratif et juridique ne se conçoivent que si elles sont portées par un projet de société. L’autonomie alimentaire, l’autonomie énergétique et la création de richesses par nos entreprises ne peuvent s’envisager que simultanément aux modifications du cadre juridique permettant ces avancées.

C’est précisément ce que nos élus réclament. A savoir que le cadre juridique à l’intérieur duquel est organisée la vie de nos territoires est devenu un carcan. Et que le cycle ouvert par la loi de 1946 transformant les colonies en départements étant terminé, il convient d’en élaborer un nouveau.

L’Appel de Fort-de-France est éloquent à cet égard. Cette déclaration signée par les présidents de collectivités de la Réunion, Mayotte, Saint-Martin, Guadeloupe, Guyane et Martinique le 17 mai 2022 pointe du doigt "une situation de mal-développement structurel à l’origine d’inégalités de plus en plus criantes qui minent le pacte social".

Vers un nouveau cadre projet économique et politique ?

Ces présidents réunis à l’initiative de Serge Letchimy à Madiana lors de la Conférence annuelle des régions ultrapériphériques européennes souhaitent "un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune de nos régions". En clair, concilier l’égalité des droits et l’obtention de réels leviers de décision.

Leur objectif : "Instaurer une nouvelle politique économique fondée sur nos atouts". D’où leur exigence formulée devant le président de la République d’instaurer "un dialogue exigeant et responsable afin d’aborder l’ensemble des questions économiques, sociales et institutionnelles qui se posent à chacun de nos territoires, pour le présent et l’avenir".

On ne peut être plus clair. Augmenter les pouvoirs des élus locaux tout en inventant un autre modèle de développement, c’est ce que dit, avec ses mots et son attitude volontiers provocatrice, le ministre de l’Intérieur. Il finira bien par s’entendre avec nos élus.