"Français, je ne vous ai pas compris. Citoyens, je ne vous ai pas entendu". Voici en substance ce que pourrait être le fond du discours du Président de la République. Comme prévu, il n’a rien lâché sur la réforme contestée des retraites. Fier de son apparente victoire, il assume parfaitement son impopularité.
Laquelle alimente une crise politique majeure comme rarement vue sous la Cinquième République. Les signaux sont là : son refus de dialoguer avec les syndicats, sa persistance à engager le pays dans une réforme rejetée par la population, l’absence de débat sur un sujet sensible touchant aux convictions profondes des citoyens.
La Constitution de 1958 donne au chef de l’État le pouvoir de créer un climat de concorde. Il est considéré comme "la clé de voûte des institutions". C’est lui qui peut prendre les décisions visant à résorber les clivages, à concilier les contraires, à fixer un cap pour le pays.
Une crise profonde insoluble
Nous ne sommes manifestement pas dans ce schéma. Le Président ne fait qu’attiser la colère en restant englué dans le piège qu’il a lui-même dessiné. Il n’y a que lui pour s’en extirper, mais il a rejeté les trois options qui s’offraient à lui : le retrait de la loi, pour apaiser la colère citoyenne généralisée ; la dissolution de l’Assemblée nationale pour clarifier le paysage politique ; le changement de gouvernement, pour impulser une autre politique.
En tentant de décrypter son état d’esprit ces derniers jours, certains analystes estimaient que ce président est représentatif de "ces élites économiques de plus en plus convaincues que la démocratie n’est acceptable que sans le peuple", comme l’écrit l’éditorialiste de l’hebdomadaire Marianne.
Un point de vue partagé par son confrère du Figaro, pour lequel : "On trouve dans une part de nos élites une suffisance". Il dénonce aussi l’arrogance du sachant voulant faire accepter au peuple soi-disant arriéré des évolutions inéluctables.
L’illibéralisme menacerait-il la France ?
Une manière du Président qui a de quoi inquiéter, selon le journal numérique Mediapart. La crise que nous vivons prépare le terrain au basculement de la France dans un régime illibéral, qui sous les apparences du libéralisme politique, supprime sa substance.
Cest le cas en Hongrie et en Pologne, où des gouvernements élus démocratiquement appliquent des politiques anti-populaires, mêlant le mépris du Parlement, les atteintes à la démocratie sociale et la répression policière des contestations, mentionne le journal
Le quotidien Le Monde n’est pas en reste. "Le Président de la République ne peut pas ne pas voir que la réforme qu’il veut imposer fournit un puissant carburant à Marine Le Pen, qui, dans tous les sondages, apparaît comme la seule à profiter politiquement du conflit".
La détermination du Président à imposer une décision alors qu’il ne dispose pas de majorité affaiblit la démocratie représentative. Il le sait, il le voit, mais il n’en a cure. Comme si gouverner contre le peuple est devenu le nouveau principe politique d’un pays qui s’est construit par une succession de révolutions menées par et pour le peuple.