Mathieu Meranville, le journaliste martiniquais de Francetélévisions nous livre une biographie romancée du footballeur brésilien Garrincha, joueur de génie mort dans la misère.
À peine vient-il de terminer la couverture des championnats du monde d’athlétisme à Doha, au Qatar, on retrouve Mathieu Méranville à Paris afin de s’occuper de la sortie de son nouveau livre : "Garrincha, l'ange aux jambes tordues".
Mathieu Méranville est reporter à la rédaction nationale de France 3 et assure en parallèle la présentation de chroniques sportives sur la chaîne France Info. S’il est un passionné d’athlétisme, son sport de prédilection, il est également un connaisseur du football et du sport en général.
Mais, loin de l’actualité qui nourrit son quotidien, son travail d’auteur le porte régulièrement vers l’écriture de livres consacrés à l’histoire du monde noir et de ses champions qui ont brisé des barrières.
C’est pourquoi son dernier livre relate l’histoire d’un des meilleurs footballeurs de l’histoire. Un artiste brésilien au destin tragique, un peu oublié aujourd’hui, 36 ans après sa mort. L'auteur martiniquais le ressuscite à sa façon.
Juste avant de retrouver le tourbillon de la vie parisienne et son univers professionnel, Mathieu Méranville s’est ressourcé quelque temps chez lui dans sa famille à Sainte-Luce. C’est là que nous l’avons rencontré pour réaliser cet entretien. Pourquoi l’histoire de Garrincha vous a tant intéressé ?
D’abord, parce que Mané Garrincha, était un footballeur d’exception, dribbleur génialissime qui s’est imposé comme co-leader de la Seleção avec Pelé. Ce qui n’était pas une mince affaire. Grâce à ces deux-là, le Brésil a remporté sa première coupe du monde en 1958. Mieux, quatre ans plus tard, Garrincha a pris les rênes de la Seleção après la blessure de Pelé et permis au Brésil de remporter son deuxième titre, qui plus est, d’affilée.
Même si je n’étais pas déjà né pour suivre ses exploits, j’ai toujours eu une fascination pour lui d’après ce qu’en racontaient les adultes qui me disaient: "ton Platini que tu admires, il est bon mais il n’arrivera jamais à la cheville de Garrincha". Ce qui fait que je connaissais un peu sa carrière. Après en devenant journaliste, j’ai eu accès aux archives.
Et, là quel joueur! Quel dribbleur! Toujours la même feinte mais tous les défenseurs du monde se faisaient piéger. Car il avait un handicap, une jambe plus courte que l’autre, ce qui devait déstabiliser ses adversaires. De plus, il respirait le plaisir de jouer sur un terrain. Et comme il était immensément populaire et adulé, les Brésiliens l’avaient surnommé: "la joie du peuple". Ça c’est la belle histoire.
Car ce qu’on a trop souvent retenu, c’est son destin tragique sur fond d’alcoolisme, de dépression.
Mais derrière les histoires qui semblent les plus sordides il y a toujours de l’humanité, de la sensibilité et parfois même une once de romantisme. Car il a vécu une belle d’histoire d’amour avec Elza Soarès, la plus grande chanteuse du Brésil avec qui il a eu un fils. La star adulée de la chanson associée au footballeur le plus populaire. Ce sont tous ses hauts et ses bas qui rendent le personnage particulièrement touchant à mes yeux.
Justement, Garrincha, c’est l’histoire d’un footballeur génial sur le terrain mais malheureux dans la vie, pourquoi?
Comme j’aime les gueules cassées de la vie, les destins tragiques... Avec lui, je suis servi. Il aimait l’alcool et les femmes plus que de raison, il a eu 13 enfants dont huit filles avec sa première femme qu’il a quittée pour Elza Soarès, provoquant le scandale dans la Brésil catholique de l’époque. Après sa carrière, il a terminé dépressif, pauvre et abandonné du monde du football. En plus, il a souffert de racisme.
Si Garrincha était heureux sur le terrain, l’homme Manoel dos Santos Francisco, son vrai nom, a dû faire face à tous les maux. Ensuite, il n’a pas été soutenu par la fédération brésilienne de football dans sa longue descente aux enfers qui l’a conduit à mourir seul à 49 ans, miné par l’alcool.
Si j’admire le champion, l’homme me touche et j’essaie de le réhabiliter à ma façon. On a souvent dit en parlant d’économie que le Brésil était un géant au pied d’argile. On peut aussi appliquer l’expression à Garrincha, un des géants du football.
La vie de Garrincha, c’est celle d’un brésilien dans un pays où la ségrégation subsiste encore, vous dénoncez ou vous restez au simple constat?
Constater c’est dénoncer d’une certaine façon. C’est vrai que le Brésil entretient cette légende de la nation arc-en-ciel et vit sur cette image qu’il a entretenu notamment à travers le football. Une nation issue du mélange des peuples où Noirs, Blancs, métis sont regroupés sous le fameux maillot auriverde dans le but de faire rayonner le pays.
C’est sans doute pour cela que la Seleção est aussi populaire en Martinique notamment. Sauf qu’il y a erreur sur la marchandise, si je puis dire. La simple lecture de l’histoire du Brésil tend à montrer que le pays a tout fait pour réduire sa part noire en favorisant l’immigration massive d’immigrés européens après l’abolition de l’esclavage. C’était en 1888 seulement.
Il faut savoir aussi qu’il y a un siècle, la pratique du football était interdite aux noirs mais aussi aux métis qui devaient se badigeonner le visage de blanc pour jouer car dans ce pays, si vous n’étiez pas totalement blanc, vous étiez noir. Et quand on sait que Garrincha avait du sang amérindien et du sang noir, il cumulait, peut-on dire. À tel point qu’un dirigeant brésilien osa dire un jour, qu’en matière de noir, le Brésil n’avait besoin que du bitume et de Pelé.
Tout cela, je l’évoque dans ce livre. Dans mes derniers ouvrages, je traitais de problématiques touchant au monde noir sur un mode très clinique. Cette fois, j’ai choisi le roman biographique pour dénoncer des thèmes qui me sont chers par le prisme d’un homme, héros malgré lui et dont la vie a été un condensé des maux dont souffre le pays. Garrincha s’est extirpé de la misère grâce au football, comme si le sport était la malédiction des Noirs, pour paraphraser le titre d’un de mes livres. "Garrincha, l'ange aux jambes tordues" de Mathieu Méranville, à Cercle éditions.
Mathieu Méranville est reporter à la rédaction nationale de France 3 et assure en parallèle la présentation de chroniques sportives sur la chaîne France Info. S’il est un passionné d’athlétisme, son sport de prédilection, il est également un connaisseur du football et du sport en général.
Mais, loin de l’actualité qui nourrit son quotidien, son travail d’auteur le porte régulièrement vers l’écriture de livres consacrés à l’histoire du monde noir et de ses champions qui ont brisé des barrières.
C’est pourquoi son dernier livre relate l’histoire d’un des meilleurs footballeurs de l’histoire. Un artiste brésilien au destin tragique, un peu oublié aujourd’hui, 36 ans après sa mort. L'auteur martiniquais le ressuscite à sa façon.
Juste avant de retrouver le tourbillon de la vie parisienne et son univers professionnel, Mathieu Méranville s’est ressourcé quelque temps chez lui dans sa famille à Sainte-Luce. C’est là que nous l’avons rencontré pour réaliser cet entretien. Pourquoi l’histoire de Garrincha vous a tant intéressé ?
D’abord, parce que Mané Garrincha, était un footballeur d’exception, dribbleur génialissime qui s’est imposé comme co-leader de la Seleção avec Pelé. Ce qui n’était pas une mince affaire. Grâce à ces deux-là, le Brésil a remporté sa première coupe du monde en 1958. Mieux, quatre ans plus tard, Garrincha a pris les rênes de la Seleção après la blessure de Pelé et permis au Brésil de remporter son deuxième titre, qui plus est, d’affilée.
Même si je n’étais pas déjà né pour suivre ses exploits, j’ai toujours eu une fascination pour lui d’après ce qu’en racontaient les adultes qui me disaient: "ton Platini que tu admires, il est bon mais il n’arrivera jamais à la cheville de Garrincha". Ce qui fait que je connaissais un peu sa carrière. Après en devenant journaliste, j’ai eu accès aux archives.
Et, là quel joueur! Quel dribbleur! Toujours la même feinte mais tous les défenseurs du monde se faisaient piéger. Car il avait un handicap, une jambe plus courte que l’autre, ce qui devait déstabiliser ses adversaires. De plus, il respirait le plaisir de jouer sur un terrain. Et comme il était immensément populaire et adulé, les Brésiliens l’avaient surnommé: "la joie du peuple". Ça c’est la belle histoire.
Car ce qu’on a trop souvent retenu, c’est son destin tragique sur fond d’alcoolisme, de dépression.
Mais derrière les histoires qui semblent les plus sordides il y a toujours de l’humanité, de la sensibilité et parfois même une once de romantisme. Car il a vécu une belle d’histoire d’amour avec Elza Soarès, la plus grande chanteuse du Brésil avec qui il a eu un fils. La star adulée de la chanson associée au footballeur le plus populaire. Ce sont tous ses hauts et ses bas qui rendent le personnage particulièrement touchant à mes yeux.
Comme j’aime les gueules cassées de la vie, les destins tragiques... Avec lui, je suis servi. Il aimait l’alcool et les femmes plus que de raison, il a eu 13 enfants dont huit filles avec sa première femme qu’il a quittée pour Elza Soarès, provoquant le scandale dans la Brésil catholique de l’époque. Après sa carrière, il a terminé dépressif, pauvre et abandonné du monde du football. En plus, il a souffert de racisme.
Si Garrincha était heureux sur le terrain, l’homme Manoel dos Santos Francisco, son vrai nom, a dû faire face à tous les maux. Ensuite, il n’a pas été soutenu par la fédération brésilienne de football dans sa longue descente aux enfers qui l’a conduit à mourir seul à 49 ans, miné par l’alcool.
Si j’admire le champion, l’homme me touche et j’essaie de le réhabiliter à ma façon. On a souvent dit en parlant d’économie que le Brésil était un géant au pied d’argile. On peut aussi appliquer l’expression à Garrincha, un des géants du football.
La vie de Garrincha, c’est celle d’un brésilien dans un pays où la ségrégation subsiste encore, vous dénoncez ou vous restez au simple constat?
Constater c’est dénoncer d’une certaine façon. C’est vrai que le Brésil entretient cette légende de la nation arc-en-ciel et vit sur cette image qu’il a entretenu notamment à travers le football. Une nation issue du mélange des peuples où Noirs, Blancs, métis sont regroupés sous le fameux maillot auriverde dans le but de faire rayonner le pays.
C’est sans doute pour cela que la Seleção est aussi populaire en Martinique notamment. Sauf qu’il y a erreur sur la marchandise, si je puis dire. La simple lecture de l’histoire du Brésil tend à montrer que le pays a tout fait pour réduire sa part noire en favorisant l’immigration massive d’immigrés européens après l’abolition de l’esclavage. C’était en 1888 seulement.
Il faut savoir aussi qu’il y a un siècle, la pratique du football était interdite aux noirs mais aussi aux métis qui devaient se badigeonner le visage de blanc pour jouer car dans ce pays, si vous n’étiez pas totalement blanc, vous étiez noir. Et quand on sait que Garrincha avait du sang amérindien et du sang noir, il cumulait, peut-on dire. À tel point qu’un dirigeant brésilien osa dire un jour, qu’en matière de noir, le Brésil n’avait besoin que du bitume et de Pelé.
Tout cela, je l’évoque dans ce livre. Dans mes derniers ouvrages, je traitais de problématiques touchant au monde noir sur un mode très clinique. Cette fois, j’ai choisi le roman biographique pour dénoncer des thèmes qui me sont chers par le prisme d’un homme, héros malgré lui et dont la vie a été un condensé des maux dont souffre le pays. Garrincha s’est extirpé de la misère grâce au football, comme si le sport était la malédiction des Noirs, pour paraphraser le titre d’un de mes livres. "Garrincha, l'ange aux jambes tordues" de Mathieu Méranville, à Cercle éditions.