L’esprit de Février-2009 est-il encore présent dans le paysage social martiniquais ?

Plus de 20 000 manifestants pendant plusieurs jours lors de la grève de février 2009 dans les rues de Fort-de-France (Martinique).

Que reste-t-il de la mobilisation populaire inédite de 38 jours durant les mois de février et mars 2009 ? La grève générale organisée par un collectif d’une douzaine d’organisations syndicales posait le problème de la vie chère. Un sujet permanent de préoccupation.

Le soulèvement populaire de février 2009 a été motivé par le ras-le-bol face à la persistance de la cherté du coût de la vie. Au fil des jours, d’autres revendications se sont greffées sur la plateforme initiale. Au point que cette mobilisation a été qualifiée par certains observateurs de crise sociétale.

La poussée de colère provoquée par la crise économique a précédé une lame de fond prospérant sur des frustrations diverses. En plus de dénoncer la politique des prix des denrées alimentaires et des services de base, la population réclamait une meilleure prise en compte de ses conditions de vie.

Le sentiment de lassitude face au manque de perspectives s’est exprimé dans le slogan devenu célèbre : "Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo" (La Martinique nous appartient, elle n’est pas à eux). Douze ans plus tard, le constat est prosaïque. La vie est toujours aussi chère ; la cascade de faillites d’entreprises a obéré l’appareil productif ; le paysage syndical s’est affaibli ; et les questions posées n’ont pas trouvé de réponse.

Les monopoles commerciaux se sont renforcés

 

À l’inverse de ce qui était espéré, nous n’avons pas assisté à l’émergence d’un autre modèle de société. La loi portant le nom du député socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel, visant au démantèlement des monopoles commerciaux, a été rapidement rendue inapplicable sous les pressions des bénéficiaires du régime en vigueur.

Ceux qui disposaient de situations prédominantes en 2009 sont les mêmes aujourd’hui. Ce qui est logique, faute de scénario alternatif crédible. Quant aux États généraux de l’outre-mer, cette vaste consultation voulue par le président Nicolas Sarkozy dont la mission était de définir de nouveaux horizons, ses conclusions ont été enlisées dans les sables de l’inertie des gouvernements successifs.

De nouvelles formes de contestation

 

Désormais, la contestation de l’ordre établi ne s’opère plus par les formes habituelles de la grève et du défilé de protestation. Ces méthodes ont été remplacées par les recours en justice ou par les déboulonnages de statues.

Le coût de la vie, les bas salaires et la misère sociale ne sont plus des revendications prioritaires. Les exigences actuelles portent sur les réparations des dégâts causés par les pesticides, la modification des rapports sociaux antagonistes, ou la dissipation du malaise de la jeunesse qui ne parvient pas à s’insérer dans son pays.

La controverse sur le coût de la vie n’est pas éteinte pour autant, mais une décennie après son émergence dans le débat public, force est de constater qu’elle est devenue un sujet secondaire. Secondaire mais non pas futile, loin s’en faut.