L’Occident n’est pas un lieu et n’est plus un projet pour l’humanité

Des passants à la rue piétonne de Fort-de-France (Image d'illustration).
La civilisation occidentale incarne-t-elle nécessairement l’avenir de l’humanité ? Vu ce que nous voyons et vivons en Europe et en Amérique du nord, il y a de quoi s’interroger.

Triste spectacle que celui donné par les sociétés occidentales. Leur modèle est de plus en plus ouvertement contesté. La logique de la démocratie représentative a perdu sa vitalité. Les citoyens se réfugient dans une inquiétante abstention électorale.

Le modèle économique ayant permis l’enrichissement des anciennes puissances coloniales depuis deux siècles atteint ses limites. Le pillage déraisonnable des ressources naturelles de la planète au profit des pays les plus riches menace l’équilibre écologique.

Que nous pouvons encore attendre de cette civilisation en train de vaciller sur ses bases ? En Afrique, en Amérique du sud, en Asie, l’idée selon laquelle la démocratie libérale est indépassable est désormais dépassée.

Un autre monde est possible

Il convient d’envisager d’autres modes d’organisation sociale, un autre type de développement, une autre façon de préserver notre planète au bénéfice des générations montantes. En un mot, une autre civilisation humaine.

"Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante", disait Karl Marx. Le modèle dominant est celui de ceux qui ont conquis cette position par la ruse et la violence. En justifiant leur prétendue supériorité par des thèses mortifères comme le racisme. Une hégémonie qui génère le désordre et le malaise.

Il y a longtemps qu’Aimé Césaire l’a montré dans son magistral essai publié de 1950, Discours sur le colonialisme : "Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente".  Or, l’Europe est parvenue à ce point d’incandescence qui la fait chuter de son piédestal.

Des valeurs archaïques

La persistance de l’extrême droite dans le champ politique est l’un de ces signaux marquant sa déliquescence. En quoi la peur de l’immigré et la haine de l’étranger peuvent constituer un programme de gouvernement ? En quoi demeure une référence cette "France moisie", comme désigne l’écrivain Philippe Sollers cette fraction passéiste et heureusement minoritaire de ce pays ?

De nouveaux schémas de pensée sont en train de féconder. Comme le dit si justement Glissant, dans son Discours antillais en 1981 : "L’homme occidental aura peu à peu et à grande douleur cessé de croire qu'il est lui-même au centre de ce qui est". Il est évident que le 21e siècle verra émerger d’autres manières de voir le monde. À condition que nous nous y mettions tous, ici aussi.

Notre devoir nous commande de participer à cet élan commun visant à trouver la voie de l’émancipation, dans une certaine confusion, comme le prophétisait, en 1961, Frantz Fanon. "Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir" nous enseigne-t-il.

Aimé Césaire, Edouard Glissant et Frantz Fanon ont laissé chacun une œuvre considérable. Il nous appartient de nous emparer de leur génie pour tenter de trouver notre manière de construire nous-mêmes notre avenir. En suivant l’ordonnance du Docteur Pierre Aliker, délivrée lors des obsèques de Césaire en 2008 : "Les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais eux-mêmes".