"L’ensemble de nos Outre-mer doivent pouvoir être mieux reconnus dans notre Constitution". Ainsi parle le Président de la République devant un aréopage de personnalités réunies au Conseil constitutionnel.
Le Président a dévoilé quelques pistes pour une réforme de la Constitution incluant de nouveaux statuts pour la Kanaky/Nouvelle-Calédonie et la Corse. Comme souvent, Emmanuel Macron n’a guère précisé sa pensée. Il est un adepte de la maxime de l’un de ses prédécesseurs, Jacques Chirac, qui répétait souvent : "On ne sait pas où on va, mais on y va !".
Il faut comprendre entre les lignes que les collectivités d’outre-mer pourront se voir incluses dans les discussions sur un toilettage de l’architecture institutionnelle complexe de nos territoires. Le président a donné, une nouvelle fois, un écho favorable à l’Appel de Fort-de-France de mai 2022 dont l’objectif est de reformuler les relations entre l’Etat et sa périphérie.
Ce qui signifie que la Constitution offre de réelles possibilités d’adaptation. Que ceux qui ont peur de l’autonomie et pour lesquels l’indépendance est un cauchemar soient rassurés. Les lois actuelles permettent de moderniser les institutions, dans toute la France. Nul besoin de créer une nouvelle loi fondamentale - ce qu’est la constitution d’un État - pour cela.
Un malentendu avec le général de Gaulle
Ceci n’a pas été toujours le cas. Lors des débats sur la préparation des institutions de la Cinquième République, en 1958, les forces politiques favorables à l’autogestion et à l’autonomie des quatre départements d’Outre-mer : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, réclamaient de larges pouvoirs pour le conseil général, "des franchises locales", selon le vocabulaire de l’époque.
Cette demande a été sèchement rejetée par le général de Gaulle. D’où l’appel à voter "non" au projet de nouvelle constitution lancé par ces forces politiques. Les communistes de la Réunion, de Guadeloupe, de Martinique, les socialistes de Guyane et le Parti progressiste martiniquais se sont montrés unis pour exiger que les élus locaux puissent gérer librement les affaires de leur territoire.
Pour de Gaulle, le "non" ouvrait la porte vers l’indépendance. C’est ce qui est advenu en Guinée, l’une des colonies d’Afrique francophone. Son leader Sékou Touré avait refusé l’idée de création d’une nouvelle communauté qu’il ressentait comme une simple modification de l’empire. En conséquence, il avait demandé et obtenu un vote négatif au référendum. En conséquence, le gouvernement français a rompu les liens avec ce territoire devenu aussitôt un État souverain.
Un revirement des autonomistes pour approuver le projet
Ne voulant pas prendre le risque de perdre les quatre vieilles colonies, le général de Gaulle envoie un émissaire, son plus proche conseiller André Malraux, pour tenter d’amadouer les contestataires qui détiennent la plupart des leviers politiques dans les départements d’Outre-mer.
Malraux rencontre notamment Raymond Vergès à Saint-Denis de la Réunion, Hégésippe Ibéné et Rosan Girard à Pointe-à-Pitre, Justin Catayée à Cayenne, Camille Sylvestre et Aimé Césaire à Fort-de-France.
Les communistes sont à moitié convaincus par les promesses de l’obtention de franchises locales. Ils appellent finalement à l’abstention. Le Parti socialiste guyanais et le Parti progressiste martiniquais, dont les chefs sont très proches l’un de l’autre, appellent en revanche à voter "oui", quelques jours seulement avant le référendum du 29 septembre 1958.
Le résultat est un véritable plébiscite. Le projet de Constitution est adopté par 83% des voix dans toute la France. En Martinique, le projet est validé par 94% des électeurs, avec 40% d’abstention.
L’histoire montrera que les franchises locales n’ont jamais été accordées. Le général de Gaulle s’est moqué des autonomistes d’Outre-mer. Les leaders de ces formations lui en ont voulu, et pour cause.
Les relations du premier Président de la Cinquième République avec ses opposants d'Outre-mer sont demeurées marquées d’une franche hostilité. Nos chefs politiques d’aujourd’hui seraient bien inspirés de se montrer prudents et fermes face au chef de l’État. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Ou comme nous disons en Martinique : "Pawòl an bouch pa chaj !".
Le "oui" l’emporte largement en Martinique
"Approuvez-vous la Constitution qui vous est proposée par le Gouvernement de la République ?". Telle était la question posée aux 47 millions d’électeurs au référendum du 29 septembre 1958. Une question rédigée par le Comité consultatif constitutionnel, chargé de préparer le projet de nouvelles institutions. Les travaux sont menés sous la direction de Charles de Gaulle, le président du conseil (ou chef du gouvernement) et de Michel Debré, le ministre de la Justice.
Comme dans les autres départements et territoires d’Outre-mer, le projet est largement approuvé en Martinique. Sur les 132 399 électeurs inscrits, sont dénombrés 79 591 votants (60,1%). Le "oui" recueille 73 596 voix (93,6 %) et le "non" 4 979 (6,4%).