La grève de Bassignac a lieu deux décennies après celle du François. Le 8 février 1900, le 20e siècle en Martinique s’ouvre sur un bain de sang. La fusillade déclenchée par un détachement de gendarmes provoque la mort de dix ouvriers stationnés devant leur usine. "Cet épisode marque la naissance du mouvement ouvrier", selon l’historienne Marie-Hélène Léotin.
Dans les mois qui suivent, des unions syndicales se créent dans le secteur de la canne à sucre, mais aussi au sein du prolétariat urbain. L’encadrement de ces organisations s’effectuera progressivement par les militants socialistes dont le chef est Joseph Lagrosillière.
En 1923, une nouvelle grève meurtrière a lieu à Bassignac. Rolande Bosphore, auteur du livre La fusillade oubliée. Bassignac 1923, publié par le Centre Littéraire d’Impression Provençal en 2019 explique le contexte.
Une énième grève au début de la saison cannière
Elle mentionne que la grève est motivée par le fait que les ouvriers "avaient accepté de travailler avec la promesse d’une revalorisation de leurs salaires. Promesse qui n’avait été tenue ni par les propriétaires terriens, ni par les usiniers". Le conflit est concentré dans la région de Sainte-Marie.
Armand Nicolas, historien émérite, nous apprend que la grève marchante, allant d'habitation en habitation, est arrêtée nette à Bassignac. Des gendarmes s’amassent sur le chemin menant à l’usine. Ils sont aidés par des cadres de la sucrerie.
Une fusillade éclate. Outre trois blessés, deux morts sont relevés : Laurence Marliacy, âgée de 19 ans ; Sosthène Gracius Gry, surnommé Dantès, âgé de 21 ans. Les deux tués sont enterrés le lendemain à la va-vite, sans cérémonie ni protocole.
Rolande Bosphore nous explique en quoi cette grève est si importante dans notre histoire sociale.
L’historienne fournit des précisions sur les prolongements politiques de ce conflit social, alors que le mouvement socialiste s’implante en Martinique.
La grève de Bassignac ne sera pas la dernière du genre. Douze ans plus tard, c’est la grande grève générale de 1935, "la marche de la faim", comme l’appelle l’historien Edouard de Lépine. Nous pouvons mentionner également la grève meurtrière de l’Habitation à Lajus, au Carbet, en mars 1948. Le scénario répressif se répète à La Chassaing, à Ducos, en mars 1951.
Notons, enfin, la dernière grève de l’époque postcoloniale, durant un mois et demi, du 7 janvier au 16 février 1974. La répression est, là encore, implacable : deux ouvriers sont tués et une dizaine de manifestants sont grièvement blessés par les gendarmes.