"Simenn Matinik Doubout" : c’est le nom de code d’une nouvelle mobilisation citoyenne lancée par une quarantaine d’organisations. Syndicats, écologistes, forces politiques et personnalités joignent leurs efforts pour une nouvelle campagne de mobilisation contre le scandale judiciaire du chlordécone. Il s’agit de convaincre tous les habitants de Martinique de se constituer partie civile dans le dossier pénal de ce scandale.
Un formulaire type est mis à disposition de chacun. Le barreau a décidé d’accompagner cette démarche en aidant les plus modestes à affronter cette procédure. Personne ne doit être laissé de côté, disent les avocats.
Cette campagne se fonde sur trois objectifs : le droit de savoir, le droit à la vérité et le droit à la justice. Ce qui voudrait dire que ce n’est pas le cas à ce jour, en dépit de l’ancienneté de la procédure entamée en 2006 par le dépôt de la première plainte, en Guadeloupe, suivie en 2007 d’une seconde en Martinique. Cela ne fait que 17 ans que nous attendons que l’institution judiciaire remplisse sa mission.
Comment comprendre les réticences de la justice ?
Le droit de savoir consiste ici à comprendre le contexte économique, social et politique qui pourrait expliquer que des autorisations ont été accordées par le gouvernement pour utiliser le pesticide à base de chlordécone en 1972. Puis de prolonger, sous la forme de dérogations exceptionnelles, sa mise sur le marché au-delà de 1990. Certaines de ces décisions demeurent incompréhensibles, comme souligne le rapport de novembre 2019 de la commission d’enquête parlementaire présidée par le député Serge Letchimy.
Le droit à la vérité consiste ici à analyser les facteurs ayant convaincu la corporation antillaise des planteurs de banane d’importer un produit chimique hautement toxique, en toute connaissance de cause. Leurs homologues américains qui l’utilisaient au Costa Rica et au Panama ont abandonné en 1964 cette substance en raison des dégâts causés à l’environnement.
Une nocivité connue depuis longtemps
Ceci était connu aux Antilles. Les experts scientifiques de la commission dite des toxiques auprès du ministère de l’Agriculture le savaient, dès 1969. Ils se montraient circonspects quant à l’efficacité et à la nocivité avérée de ce produit. D’où leur avis défavorable à la seconde demande d’homologation du pesticide aux Antilles.
Le droit à la justice consiste ici à obtenir la tenue d’un procès équitable pour condamner les empoisonneurs. L’institution judiciaire pourra alors faire oublier le camouflet qu’elle a infligé aux Guadeloupéens et aux Martiniquais avec cet inconvenant non-lieu de janvier 2023.
Elle se grandirait en montrant qu’elle respecte les citoyens, et plus prosaïquement, le droit.