Voici l’histoire de Gègène âgée de 55 ans, dont le seul revenu est le RSA (Revenu de Solidarité Active), soit 607,75€, après 6 ans de chômage. Depuis qu’elle n’est plus en activité dans la filière des services à la personne, elle a été contrainte de résilier le bail de la location de son appartement, avant de rejoindre un de ses frères dans la maison familiale au sud de l’île, à Sainte-Ane.
Auparavant, la quinquagénaire a dû se battre pour élever seule ses 4 enfants, après avoir rompu une relation de 23 ans, car "je n’avançais pas" dit-elle. Devenus entretemps de jeunes adultes, 3 parmi sa progéniture dont une fille, ont quitté le territoire. Le dernier, âgé de 32 ans, est en quête d’emploi lui aussi et vit en attendant aux côtés de sa maman.
Avec mon frère et mon fils, on se partage les frais à la maison de ma mère et de mon père tous deux décédés (…). Je n'avais pas le choix, car je n’arrivais pas à payer mon loyer et les factures. Mais avec l’inflation, même si j’ai moins de charges, je fais attention aux prix affichés et je ne fais aucune folie. Donc je vais très peu au supermarché.
Gègène
Évidemment avec ses petits moyens, Gègène ne peut pas s’offrir des loisirs, ne serait-ce qu’une séance de cinéma une fois par mois. "Cela fait un moment que je n’y suis pas allée, mais j’essaye de sortir un peu quand même, grâce à des amis qui passent me chercher, puisque je n’ai pas le permis".
Des fins de mois compliquées
Elle peut aussi compter sur ses amis qui la dépannent de temps en temps, ainsi que ses enfants qui travaillent dans l’hexagone. "Quand j’ai besoin de quelque chose de particulier, ils peuvent me l’envoyer depuis la métropole, où c’est beaucoup moins cher qu’ici". Car les fins de mois restent difficiles.
44 300 ménages martiniquais se situent sous le seuil de pauvreté, soit 27 % de la population régionale et 32 % des enfants. Ce taux de pauvreté est près de deux fois supérieur au taux national (14,4 %).
L’INSEE(Publication n°10 du 3 octobre 2023)
"Je fais avec" avoue Gègène, qui parvient même à économiser entre 10 et 30€ parfois, lorsque la vente de ses pâtisseries maison est bonne. C’est ainsi qu’elle essaye d’arrondir ses fins de mois.
J’ai mes deux mains, je sais faire à manger, de la pâtisserie… Je me débrouille. Et cela fonctionne, surtout mes macarons.
Gègène
Depuis le mois d’avril 2023, notre saintannaise s’est rapprochée du Secours Catholique, afin de bénéficier d’une aide supplémentaire. Ce sont des paniers distribués 2 fois dans le mois par une voiture épicerie itinérante de l’association, moyennant une participation de 6 euros.
La plupart des denrées alimentaires et produits d’hygiène sont 70 à 80% moins chers que dans le commerce, ce qui me permet d’avoir un sac cabas bien rempli à ces tarifs (…). Et puis il y a le CCAS [Centre communal d’Action Sociale] de la commune qui nous offre des paniers aussi. Je n’ai pas sollicité la banque alimentaire de Martinique, parce que je pense qu’il y a des gens qui sont encore plus dans le besoin que moi.
Gègène
Chaque année, le Secours Catholique vient en aide à "environ 3000 familles nécessiteuses" en Martinique. L’Association organise également des collectes de dons ponctuellement aux abords des grandes surfaces et dans les églises de l’île, avec l’aide de près de 380 bénévoles locaux.
On intervient sur plusieurs secteurs. On aide pour le loyer, l’eau, l’assurance des maisons, l’aménagement des logements... Mais comme on ne peut pas payer pour tout le monde, on a créé des épiceries sociales. Il y en a 2 à Fort-de-France, 5 dans le Sud et notre épicerie itinérante à des prix très bas. L’économie ainsi réalisée, permet aux foyers en difficulté de régler leurs dettes.
Christiane Saint-Albin, secrétaire du Secours Catholique en Martinique
"Améliorer le quotidien"
On donne aussi aux personnes concernées des informations pour apprendre par exemple à gérer un budget, avec l’assistance de plusieurs partenaires comme la CAF ou la Sécu, pour améliorer leur quotidien. Quant à la banque alimentaire, elle nous fournit certains produits et nous finançons les autres grâce aux dons récoltés tout au long de l’année.
Christiane Saint-Albin
Le 3e dimanche du mois de novembre, le Secours Catholique sollicite la générosité du public à l’occasion de sa journée nationale destinée à recueillir des dons dans toutes les paroisses, afin de maintenir la chaîne de solidarité.
La pauvreté est plus marquée dans les zones rurales où les conditions de vie sont plus modestes que dans les zones urbaines. Le revenu disponible des ménages pauvres est largement constitué des prestations sociales, notamment des minima sociaux. Les salaires et revenus d’activité, lorsqu’ils existent, ne sont pas toujours un rempart contre la pauvreté.
L’INSEE
> Pour aller plus loin, découvrez l’intégralité du bulletin n°10 de l’Institut (paru le 3 octobre 2023) relatif à la pauvreté en Martinique, en cliquant ⇒ICI.