Peut-on faire le bonheur du peuple contre le peuple ? Le droit peut-il s’imposer à la morale ? La France est-elle encore un pays démocratique ? Voici quelques idées de sujets pour l’épreuve de philosophie du prochain Bac, dans trois mois. Nos élèves auraient largement de quoi s’inspirer de l’actualité.
En attendant, chacun dispose de quoi répondre à ces questions en jaugeant les débats, ou l’absence de débats, sur la réforme des retraites, selon ses convictions et son orientation idéologique. Ainsi, chacun conviendra que le peuple ne peut aspirer au bonheur qu’avec son consentement. Le chef de l’Etat et le gouvernement ne semblent pas en convenir. Pourtant, neuf personnes actives sur dix et les trois-quarts des citoyens se disent opposés à la réforme envisagée.
Qui dirige du gouverné ou du gouvernant ?
Dès lors, qui a tort ? Le gouvernant ou le gouverné ? Celui qui dirige, quand bien même il a reçu mandat du citoyen ? Ou le citoyen, qui a délégué la défense de ses intérêts à des représentants librement choisis ? Le pouvoir exécutif a tranché. Le chef de l’Etat, le gouvernement et leurs alliés sont persuadés que les citoyens ne sont pas suffisamment éclairés sur leur intérêt. En l’espèce, travailler plus longtemps.
Les manifestations de colère ne comptent pas. Le président ayant décidé qu’il a été réélu sur la base de son programme comprenant la réforme des retraites, il lui est insupportable de voir contesté ainsi son programme, dont il pense qu’il a été validé. A-t-il déjà oublié que la majorité de ses électeurs ont voulu empêcher l’arrivée de l’extrême droite à l’Elysée ?
Il reste que nul gouvernant ne peut aller contre la volonté du citoyen, même en se réfugiant derrière la loi. Le droit ne peut pas s’imposer à la morale dès lors qu’il créée ou aggrave une injustice. En tout cas, pas en démocratie, régime dont la règle de base dispose que le peuple a toujours raison, même quand il est supposé avoir tort.
La loi plus forte que la morale ?
Invoquer la Constitution pour imposer une loi jugée injuste et inutile est pour le moins surprenant. Ce n’est pas parce que d’autres gouvernements, de droite ou de gauche, ont utilisé cette procédure par le passé qu’il est moralement acceptable de la reproduire.
Puisque nous vivons une séquence de juridisme aigü, entre les articles 47-1, limitant le temps de délibération du Parlement ; 44-3 permettant le vote bloqué sur un projet de loi ; 49-3 ouvrant la voie au vote sans débat à l’Assemblée nationale, rappelons-nous l’article 2 de la Constitution.
Dans son alinéa 5, il est écrit que le principe de la République est : "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". S’il est incontestable que la France est encore un pays démocratique, en dépit des attaques portées à cet idéal, nos gouvernants seraient bien inspirés de s’inspirer de cet article fondamental.