L’incident diplomatique est clos. Invité en tant que promoteur des artistes de son pays par la Fondation Clément, le président de la République du Bénin a finalement rencontré le représentant le plus élevé de nos autorités politiques, le président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique.
Patrice Talon et sa délégation ont été accueillis par Serge Letchimy en présence de conseillers exécutifs, de conseillers territoriaux et de socioprofessionnels. Les échanges ont porté sur la coopération à établir entre le Bénin et la Martinique.
Ce qui n’empêche pas Serge Letchimy de refuser de se rendre à l’inauguration de l’exposition. "Une telle rencontre entre l'Afrique et la Martinique, dans un lieu où les murs résonnent encore des cris de douleur de nos ancêtres esclaves, heurte profondément ma conscience politique et morale".
De vives critiques portées à cette initiative
Les mêmes arguments ont été émis par les organisations panafricanistes. Elles estiment que recevoir le chef d’État d’un pays d’Afrique de l’ouest dans une ancienne plantation sucrière dans l’enceinte de laquelle a régné le système esclavagiste est une très mauvaise idée. D’autres critiques portent sur la réputation d’autocrate du président béninois. L’opposition de son pays est singulièrement cadenassée depuis son arrivée au pouvoir en 2016.
Et ce, alors que le Bénin était connu jusque-là comme un havre de stabilité politique, un modèle de démocratie sur le continent africain. Un peu comme le Sénégal. Le Sénégal dont l’ancien président, Léopold Sédar Senghor, s’était rendu en Martinique à l’invitation de son ami Aimé Césaire, en 1976. Sa visite n’avait pas suscité de polémique, même si elle avait été boudée par les autorités et ceux qui dénigraient la Négritude.
Au-delà des critiques portées à ce déplacement, ne faut-il pas transformer une contrariété en opportunité ? En clair, se servir de cette visite controversée pour amplifier les relations amicales déjà existantes avec le peuple frère du Bénin.
Vers de nouvelles opportunités
Ce président n’est peut-être pas le mieux placé pour tourner la page d’une histoire douloureuse. Mais sa venue peut autoriser à s'appuyer sur la présence des citoyens natifs de son pays vivant en Martinique pour apprendre aux uns et autres autres à mieux se connaître.
Plusieurs Béninois vivant et travaillant sur le territoire sont curés, médecins, enseignants, fonctionnaires. Ils sont en sécurité ici. Il en est de même pour les Martiniquais installés au Bénin, parfois dans les plus hautes sphères de la société. Le moment semble venu de jeter les ponts d’une fraternité à construire, basée sur la confiance mutuelle et le dépassement de querelles ponctuelles.
La matière est là, abondante. Par exemple, rappeler l’exil du roi Béhanzin, prisonnier pendant 12 années au Fort Tartenson à Fort-de-France jusqu’en 1906, après sa défaite par l’armée coloniale.
Autre exemple, l’apprentissage par les Béninois du régime concentrationnaire des plantations esclavagistes, qu’ils ignorent. Et apprendre aux Martiniquais le traumatisme vécu par leurs ancêtres victimes de la traite, dont ils ne savent presque rien.