C’est un gros timide, Georges. Il ne traine pas beaucoup dehors. On l’aperçoit parfois sur les berges derrière le centre commercial de Place d'Armes. Il prend le soleil et quand il voit qu’on le regarde ou qu’on le filme de trop près, il plonge dans l’eau et disparait. Mais les gens sont plutôt contents de le voir.
Employé de la mairie du Lamentin
Ce témoignage d’un employé de la mairie du Lamentin reflète l’opinion que certaines personnes se font de la présence en Martinique du crocodile surnommé Georges. L’animal d'environ trois mètres a été photographié pour la première fois par un hélicoptère de la gendarmerie. C’était en 2016. Des cages avaient alors été posées à l’embouchure de la Lézarde pour le capturer. Sans succès.
Dans la foulée, les autorités avaient fait appel à Olivier Behra, spécialiste des crocodiles auprès du Muséum Nationale d’Histoire Naturelle (MNHN). L’homme a passé son enfance au Cameroun. Il est intervenu au Gabon, au Congo et en République centrafricaine pour recenser les sauriens, avant de combattre le braconnage dont ces bêtes sont victimes à Madagascar.
En Martinique, où il débarque en octobre 2016, Olivier Behra ne réussit pas à piéger l’animal. Le "Crocodile Dundee" français passe pourtant plusieurs nuits à le traquer. Il veut profiter de ces heures où les yeux d’un saurien brillent dans le noir pour l’attraper au lasso ou avec un filet. Mais l’opération pâtit de la crue des rivières due à de fortes pluies qui brouillent les pistes.
Pendant cinq ans, Georges se fait oublier. Pas une trace. Pas une photo. Pas la moindre alerte d’un passant ou d’un jogger sur sa présence dans un cours d’eau ou sur une berge. Des chasseurs affirmeront l’avoir finalement abattu. Mais en 2021, le crocodile refait surface avec des clichés postés en octobre et novembre par des internautes sur les réseaux sociaux. Il faut reprendre la traque.
Trois autres spécialistes venus de France et d’Autriche arrivent en Martinique en février 2022, dans le cadre d’une opération menée avec de gros moyens pendant quinze jours par les services de la Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DEAL), avec l'appui de l'Office National des Forêts (ONF), de la Direction de la Mer, de l'Office français de la Biodiversité et de la mairie du Lamentin.
Des patrouilles se relaient jour et nuit sur le canal Mamin, qui passe devant le centre commercial Place d'Armes, sur la rivière Lézarde et plus généralement dans la mangrove : canal Gaigneron, Port Cohé... Les équipes utilisent des appareils photos qui se déclenchent automatiquement au passage d’un animal. Un drone et des bateaux sont également mobilisés. Mais le crocodile reste introuvable.
"Il ne faut pas s’en approcher pour prendre des photos..."
Huit mois après ces battues infructueuses, les experts doivent se rendre à l’évidence : Georges bénéficie d’un "environnement favorable" qui rend sa capture improbable. Alors de deux choses l’une. Soit on abandonne la traque, on le laisse vivre, en espérant qu’il ne fera de mal à personne. Soit il constitue un danger, auquel cas on doit l’abattre, s’il s’approche de trop près des habitations.
En attendant, les autorités lancent un appel à la vigilance :
C’est un animal sauvage en liberté. Il a un grand espace de recréation. S’il est toujours là, c’est qu’il trouve sa nourriture dans son entourage. Mais attention, il est capable de mordre et de tuer, si quelque chose le perturbe ou lui fait peur. Il ne faut donc pas s’en approcher pour prendre des photos mais signaler sa présence rapidement.
Les autorités