Lors du scrutin du 24 avril 1988, 9 candidats sont en lice pour l’élection présidentielle. François Mitterand (président sortant), Jacques Chirac, Raymond Barre, Jean-Marie Lepen, André Lajoinie, Antoine Waechter, Pierre Juquin, Arlette Laguiller et Pierre Boussel. Mais en Martinique, c’est Yves François qui suscite le plus de commentaires.
Le candidat de la "dénonciation du colonialisme"
Dès novembre 1987, ce militant indépendantiste martiniquais âgé de 41 ans, est présenté comme le "candidat" du Conseil national des comités populaires (CNCP).
Nous avions déjà mené des combats sur tous les fronts. Lutte syndicale, grève et d’autres domaines sur le terrain, mais nous constations qu’il fallait une initiative pour unir le peuple martiniquais autour d’une idée forte. Comme nous avions des contacts à l’étranger, nous avions conçu le projet de présenter une candidature à l’occasion de la présidentielle pour faire une dénonciation du colonialisme et appeler au respect du droit à la souveraineté du peuple martiniquais. Nous avions pris contact avec des Kanaks, des Corses, des Basques, tous les opposants au colonialisme français qui ont trouvé l’idée importante et ils nous accompagnaient. En Guadeloupe et en Guyane, les organisations ne croyaient pas au projet. L’idée était de profiter de l’agitation politique autour de la présidentielle pour mettre la question du colonialisme français sur la scène.
Robert Saé, responsable aux affaires extérieures du CNCP
Yves François, professeur agrégé d’histoire, marié et père de famille, doit donc représenter les mouvements politiques anticolonialistes de France et des régions d’Outre-mer.
Pendant plusieurs semaines, il mène campagne, participe à des rencontres notamment à l’occasion d’une tournée d’une dizaine de jours en France.
Il intervient au "meeting des peuples contre l’acte unique européen" le 24 janvier 1988 au Zénith de Paris devant 10 000 personnes, selon les organisateurs.
Malgré ses appels aux élus de la Gauche, le candidat n’obtient pas les 500 parrainages exigés pour valider toute candidature à l’élection présidentielle. Le CNCP renonce à ce projet.
Yves François reste le seul Martiniquais à avoir tenter l’aventure de la présidentielle. Aujourd’hui, il est retiré de la vie politique.
Il a pris du recul par rapport à la lutte politique pour des raisons personnelles. Nous l’avions choisi comme candidat parce que c’est l’un des militants stricts et éclairés que notre organisation ait eu l’honneur de connaître. C’était un gros travailleur qui maîtrisait les dossiers. Il nous a beaucoup aidés dans l’organisation.
Robert Saé, responsable aux affaires extérieures du CNCP
34 ans plus tard, le CNCP reste fidèle à revendication de "lutte des colonisations". Cependant, il n’est plus question de participer à un scrutin en 2022. "Nous allons continuer dans la voie de la résistance alternative", déclare Robert Saé.