Le statut juridique des sargasses, un impensé du droit international

Échouage de sargasse en février 2023.
La lutte contre les échouements des algues brunes sur les littoraux caraïbes se heurte à l’absence de définition de ce phénomène. Le débat s’engage pour trouver un compromis afin de mettre en valeur ce déchet qui peut se transformer en ressource.

Contrairement à ce que nous pourrions croire, la lutte contre la prolifération et les échouements des algues sargasses constituent un enjeu géopolitique majeur dans notre archipel. Tous les pays de notre région sont concernés par les invasions indésirables de ces algues brunes qui se décomposent après leur arrivée sur nos plages.

Les désagréments provoqués par cette espèce naturelle sont désormais bien documentés depuis 2011, année de la première invasion massive d’algues brunes sur nos côtes. Par exemple, une étude menée par une équipe médicale du Centre hospitalier universitaire de Martinique atteste d’une augmentation évidente du nombre de patients consultés après l’inhalation involontaire de l’hydrogène sulfuré (en abrégé H2S) émanant de la putréfaction des sargasses.

De nombreux poissons et crabes sont eux aussi victimes de ces algues sargasses.

Ce gaz, hautement volatil, accélère l’oxydation des métaux contenus dans nos objets usuels. D’où les pannes souvent définitives des appareils électroménagers, des ordinateurs, ou des téléviseurs. Les dommages économiques ne sont pas les moindres.

Des pertes économiques considérables

Le Caricom estime à 94 millions d'euros les pertes économiques enregistrées par ses États-membres en 2023. Or, les échouements ont été moins fréquents cette année-là que les précédentes. Pourtant, la crainte était grande d’aggraver le manque à gagner économique. Les climatologues avaient prévu l’arrivée d’un gigantesque radeau de sargasses en juillet ou août 2023. Heureusement, il n’est jamais arrivé.

En attendant d’hypothétiques nouveaux échouages, les pays de la région se mobilisent pour porter les réponses adéquates pour les éviter. Ou, à tout le moins, atténuer les effets dévastateurs de leurs dépôts sur les plages. Les discussions se poursuivent. L’un des points d’achoppement est la définition même de ces algues.

Aux États-Unis, les algues naviguant sur l’océan Atlantique sont vues comme des espèces protégées. De fait, elles constituent un immense réservoir de biodiversité. En France, au contraire, ces espèces, du fait qu’elles accostent avec des conséquences néfastes sont considérées comme un fléau.

Vers un compromis géopolitique

Un premier compromis a néanmoins été trouvé, à la COP 28 de Dubaï, en décembre 2023. La France a pu rassembler autour d’elle plusieurs États dans l’objectif de renforcer la coopération internationale pour conférer une valeur économique aux algues brunes. Le texte a reçu l’assentiment du Mexique, du Costa Rica, de la République dominicaine et de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO) dont sont membres associés la Martinique et la Guadeloupe.

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La vice-présidente de la Région Guadeloupe, Sylvie Gustave-Dit-Duflo a confié à l'AFP qu’elle ambitionne "une résolution votée en ce sens à l’ONU pour 2024". La présidente, récemment réélue, de l’Office français de la biodiversité (OFB) pense que les compensations sont désormais rendues possibles.

Aussi, les pays de notre archipel ne vont pas se priver d’utiliser la Déclaration de Rio de 1992. Cette charte comprend une section définissant "une responsabilité commune, mais différenciée des États" dans les atteintes à l’environnement naturel. Est-ce à dire que le momentum est proche de la définition juridique des algues sargasses ?