L’unanimité des élus présents au congrès a prévalu pour adopter la résolution proposant la rédaction d’un article 73-1 de la Constitution. Son rapporteur, Didier Laguerre, a mis aux voix l’idée que ce nouvel article serait "relatif à la domiciliation en Martinique et dans les collectivités d’Outre-mer qui le souhaitent, d’un pouvoir normatif autonome intervenant en complément de l’État ou de manière exclusive".
Les collectivités d’Outre-mer intéressées par l’application de cet article pourront définir les domaines dans lesquels elles souhaitent renforcer leurs pouvoirs. Pour la Martinique, le congrès a anticipé quelque peu. Les élus ont délimité neuf axes de responsabilité, appelés "pactes".
Ces domaines concernent : les questions sociales ; l’action économique ; la fiscalité ; la démographie ; l’éducation et la recherche ; l’environnement et la transition écologique ; la culture et le patrimoine ; la coopération régionale ; les relations sociales dans le travail.
L’ombre des opposants absents a plané sur les débats
Deux des quatre groupes politiques de l’Assemblée de Martinique étaient absents. Les 14 élus du Gran sanblé pou Matinik, à l’exception de Louis Boutrin, dont le chef de file est Daniel Marie-Sainte ont estimé que la concertation a été insuffisante avant la tenue de cette quatrième réunion du congrès. Les six élus de La Martinique ensemble de Catherine Conconne ont souhaité protester contre les conditions de préparation de la réunion.
Comme le prévoit la loi, la résolution du congrès sera soumise à l’assemblée délibérante de la CTM. Durant les six prochains mois, les élus devront affiner le projet, donner corps aux différents "pactes" à conclure "entre le peuple et l’État". Ensuite, le texte final sera transmis au président de la République qui détient le pouvoir de modifier la Constitution.
La Constitution révisée, une consultation de la population du territoire sera organisée pour modifier le périmètre des institutions. Il va sans dire que nous en sommes encore loin. Il n’est pas certain que l’assemblée vote le projet dans les mêmes termes que le congrès. Il n’est pas certain non plus que le chef de l’État enclenche la procédure complexe et risquée de révision de la Constitution.
Le chemin de la révision est encore long
Si le statut de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie sera modifié à la faveur d’une modification de la loi fondamentale, ceci n’est pas acquis pour les autres collectivités d’Outre-mer. Il reste la possibilité du vote d’un amendement par le Sénat pour que les territoires dont les élus le souhaitent soient inclus dans cette révision.
Le scénario de la rédaction de cet éventuel futur article 73-1 a été préféré à la fusion des articles 73 et 74 régissant les collectivités d’Outre-mer. Certains territoires autonomes auraient pu perdre certaines prérogatives, du fait qu’il eut fallu trouver un compromis entre deux logiques juridiques et politiques éloignées.
En outre, les élus de la Réunion et de Mayotte ne sont pas unanimes à assumer des responsabilités élargies. L’autre hypothèse, celle de l’adoption d’un article spécifique au territoire de Martinique, au nom du droit à la différenciation, a été écarté également. La Corse et l’Alsace ont choisi cette option. La Guyane le souhaite aussi. Le débat n’est pas arrivé à maturité en Martinique.
Il reste également à évaluer la légitimité du vote du congrès de ce 29 novembre 2023. "La République a été gagnée à une voix" déclarait Didier Laguerre en répondant aux critiques émises par les formations politiques absentes. Les opposants se réservent le droit de contester la résolution ce vote et de parvenir à une formule qui leur convienne. Comme l’a déclaré pour lever la séance le président du congrès Lucien Saliber : "le travail ne fait que commencer".