Les leçons contrastées d’un Carnaval spécial et peu banal

Carnaval 2021 au stade Pierre Aliker à Fort-de-France.

La période carnavalesque de 2021 en Martinique va passer à la postérité. La contestation de la parole publique a atteint de rares sommets, en dépit des appels à la prudence face à l’épidémie de Covid-19.

L’autorité a été bafouée. La capacité à se mobiliser pour une cause collective a été démontrée. Ce sont les deux grands enseignements à tirer du Carnaval de  2021 en Martinique, particulier à bien des égards. À de rares exceptions près, nous n’avions pas connu cette impossibilité de respecter ce rituel.

Cette année, l’impossibilité ne tenait pas à la guerre, ni à une crise sociale comme en 2009. C’est l’épidémie incontrôlée du coronavirus Covid-19 qui nous a contraint à une certaine abstention.

Pourtant, en dépit des interdictions de toute manifestation publique, de nombreux vidés se sont tenus de jour comme de nuit, et même sur l’autoroute, du jamais vu. Les rares maires qui avaient prohibé les parades et les défilés n’ont pas été écoutés. Le préfet qui évoquait les risques de contamination n’a pas été davantage suivi. Bien au contraire, il a été moqué.

Ambiance bon enfant vers 20 h 15 dans les rues de Fort-de-France

Ces actes de défiance sont considérés par beaucoup comme une preuve d’irresponsabilité. De larges fractions de l’opinion publique estimaient qu’il convenait de se montrer prudent face aux possibilités avérées de propagation d’un virus méconnu.

Au lieu de l’observation des mesures de précaution, pourtant bien respectées depuis presque un an, c’est l’observance d’une coutume qui a prévalu pour de larges fractions de la population, des jeunes en particulier. Leurs arguments ? La nécessité de décompresser après de longs mois de restrictions, le respect des traditions et la protestation contre des décisions gouvernementales jugées incohérentes.

Irresponsabilité ou résistance ?

 

Aucun contre-argument n’a été convaincant, face à cette mise en cause de la parole publique. Laquelle a été, une fois de plus, confuse ou ambigüe. Ainsi, c’est l’essence même du Carnaval qui l’a emporté. À savoir le défi aux symboles de l’autorité, la dérision envers les élites, la transgression de l’interdit, la violation des normes sociales dominantes.

Le préfet l’a bien compris, qui n’a pas pu empêcher le déferlement carnavalesque. Les élus l’ont bien admis aussi, qui n’ont pas pu refroidir les ardeurs des fêtards. D’ailleurs, de quels moyens disposaient-ils pour confiner la population ?

Au bilan, il importera de savoir ce qui l’a emporté de l’esprit de résistance ou de l’irresponsabilité. La réponse tombera dans deux semaines, avec les chiffres de la contamination, qu’il faudra examiner au microscope.

S’ils augmentent de façon exponentielle, cela signifiera que l’insouciance aura pris le pas sur la responsabilité. S’ils restent stables, cela voudra dire que, finalement, nous pouvons vivre autrement que sous la contrainte de l’épidémie.