"Mistik jaden se veut être une ode à l’harmonie de la nature et aussi à l’harmonie de notre nature humaine avec la nature ici". Ainsi parle Malik Duranty de son ouvrage aux allures d’essai de réhabilitation de notre rapport à la terre-mère de Matinik.
Chercheur en sciences sociales de formation, poète à ses heures gagnées sur l’énergie qu’il dépense à scruter notre angoisse existentielle collective, il a produit un livre dense à prescrire à qui souhaite comprendre en quoi la (re)connexion à la Nature, au sens large, nous est impérieuse et impérative.
Cette oeuvre est à lire autant comme une fiction qu’une démonstration d’anthropologie culturelle. Au choix. L’auteur dit qu’il a souhaité effectuer "un devoir de mémoire envers les ancêtres et les anciens qui ont su trouver cette harmonie dans le jaden kreyol ou jaden arada". Il donne à l’arada le rôle de symbole représentant l’éternité du jardin.
Celui-ci peut repousser même après l’abandon de l’homme, si on plante une arada. Ce qui illustre le fait que la nature n’a pas besoin de l’homme pour vivre. Nous savons tous que l’inverse n’est pas vrai.
Malik Duranty nous explique ce parti pris d’un chant d’amour à la nature.
L’auteur réfléchit et nous demande de réfléchir avec lui sur notre présence sur cette île. Il veut pouvoir penser notre développement en la préservant de notre folie ou de nos incapacités. La métaphore n’en est que plus puissante.
Il donne une grande importance au jaden kréyòl, alors que dans le milieu urbain, les espaces verts sont insuffisants par rapport à la population. N’est-ce pas utopique ?
L’urgence commande d’emprunter le chemin inverse de celui de nos aïeux qui ont vécu ou subi l’exode rural. Duranty prône le retour au morne, à la campagne, aux sources de notre environnement afin de découvrir les ressources naturelles et spirituelles qu’il renferme.
« Le Jaden est un lieu de dialogue entre soi et là à l’esprit d’ici, la Terre. Elle, touchée, humée et localisée, propice à la relation mythique, retournée, tracée de sillons, semée, fouillée de tubercules, arrachée des imprévues végétations gardiennes de jachère, ouvrant à la plantation ; la Terre n’est pas nue, elle est plantée, soignée, nourrie ; sa végétation taillée, les fruits de cette dernières cueillis ; voilà le geste de la nature qui donne. »
(page 22)
Duranty souhaite que les jeunes vivent en s’emparant de notre singularité, à savoir "l’appropriation d’une vie en respect, c’est-à-dire en écoute et en dialogue avec notre environnement et sa nature". A l’exemple de leurs grands-parents, en quelque sorte.
Ils vont trouver tout ce dont ils ont besin dans le morne, lieu emblématique de la nature généreuse de l’île où ils tournent en rond. Il leur conseille de prendre le chemin de l’exil intérieur. Non pour s’enfermer dans leur pauvreté spirituelle, mais pour s’ouvrir à une richesse insoupçonnée.
Le morne te donne à manger, nèg zabitan te montre comment manger. La rivière te donne à te laver, nèg zabitan te montre comment te laver. Le cycle de vie te donne à vivre, nèg zabitan te montre comment te régénérer. Le vent te donne à chanter, vibrer en musicalité, nèg zabitan te montre comment écouter et entendre la musicalité du morne .
(page 86)
Voir le morne, et vivre, sommes-nous tentés de conclure. Sauf que cette pérégrination en forme de fuite de l’univers urbain suppose une constitution mentale solide. Comment un jeune d’aujourd’hui, acteur ou prisonnier de la réalité virtuelle des réseaux sociaux omnipotents, peut-il être inspiré par ce cheminement ? Malik Duranty se veut optimiste.
Il milite pour un retour vers le futur afin d’alimenter notre vision d’un avenir sinon radieux, au moins, maîtrisable. Avec pour maîtres-mots : respect, écoute, dialogue. Utopie ? L’histoire nous enseigne que les utopistes ont toujours eu raison.