Ce rapport de plus de 2 000 pages, dévoilé ce mardi 5 octobre 2021, est le fruit d'une enquête de deux ans et demi, menée par les 22 membres de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (Ciase).
Il révèle qu'au moins 216 000 mineurs ont été victimes d'abus sexuels depuis 1950. La Commission estime que le nombre de victimes pourrait atteindre "330 000 si l'on ajoute les agresseurs laïcs".
Monseigneur David Macaire, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France et Évêque de Martinique et de Guadeloupe répond à nos questions.
1/Après la publication des conclusions de ce rapport et le nombre de victimes révélées, quelle est votre réaction ?
Comme tous les Évêques, il y a un peu d'effarement, de surprise, mais pas totalement puisque nous l'avons voulu ce rapport. C'est nous qui l'avons demandé à une commission indépendante. On a voulu aussi qu'il soit public. C'est pour cela que le rapport a été rendu public. On n'a rien fait "an ba tab".
Nous souhaitons que les choses soient dites. D'abord pour les personnes victimes. Il y a eu une prise de conscience progressive notamment de la culpabilité des coupables que l'on considère comme un pécheur puis un criminel.
Il faut recevoir ce chiffre, il faut l'analyser, le comprendre. Avec de la honte et puis le cri de douleur des victimes. Comme dans toute famille où l'on apprend qu'il y a quelque chose qui s'est passé et puis que l'on doit le dire. Mais on le devait à ces hommes et ces femmes qui sont victimes.
Les membres de la commission se sont déplacés aux Antilles. Des réunions publiques se sont déroulées le 18 février 2020, à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et le 21 février 2020, à Fort-de-France en Martinique. Cependant, peu de victimes ont été identifiées.
2/ Cela veut-il dire qu'il y a peu de victimes ou alors qu'elles se taisent ?
En réalité ici, on a eu un cas qui s'est déclaré pour un prêtre qui est déjà mort et la victime est âgée. Il faudra accompager cette personne, si elle le désire. Est-ce que ça veut dire que les gens se sont tus ? C'est possible. On est dans un petit pays, mais justement on a mis en place des structures. On devrait mettre une cellule d'écoute nationale. Donc s'il y a des gens qui ont été victimes, ils peuvent le dire.
Nous n'avons pas fait mieux que les autres, c'est ça notre douleur. C'est mon rôle en tant qu'Évêque d'assumer cela. Mais aujourd'hui justement, on essaye de faire mieux en allant plus loin dans la vérité, dans l'accompagnement des victimes et également des coupables.
3/ Quelle suite sera donnée à ce rapport ? Quelles garanties l'église souhaite apporter pour que de tels comportements ne se reproduisent plus ?
Nous n'avons pas attendu le rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église Catholique. On a déjà pris un certain nombre de décisions, mis en place des structures de veille, de la conscientisation du peuple de Dieu. On suit l'affaire de près et il y a des comportements qui sont interdits.
Nous discuterons avec les Évêques en novembre sur ce qui a été proposé. Nous avons déjà fait un certain nombre de propositions. Par exemple, sur un lieu de mémoire et une journée de prière. Nous allons aussi mettre en place un fonds de dotation pour aider les victimes.
4/ Ne craignez-vous pas que ces révélations n'ébranlent la confiance des fidèles dans l'institution ?
Oui, je pense que ça va ébranler la confiance des fidèles dans l'institution. Mais Dieu merci, les fidèles catholiques, je l'espère, ne croient pas en une institution, mais en Jésus qui a donné l'institution qui est composée à 100% de pécheurs. Dois-je vous rappeler que parmi les 12 apôtres il y avait Judas, qui a lâché Jésus. Il y avait Pierre et les autres, qui discutaient pour savoir lequel était le plus grand.
J'ai envie de dire aux fidèles, que nous ne croyons pas en l'église en tant qu'une institution d'hommes. Le clergé n'est pas l'objet de ma foi, tout Archevêque que je suis. L'objet de ma foi, c'est Jésus qui m'a donné l'église composée de pécheurs, mais c'est dans cette église que je rencontre Jésus.
Ecoutez l'entretien accordé par Monseigneur David Macaire.
Monseigneur David Macaire, rapport Ciase