Pourquoi notamment les viols ne sont plus jugés aux assises ?

Maillet de juge (image d'illustration).
Depuis le 1er janvier 2023, les personnes majeures soupçonnées d’homicide volontaire ou de viol par exemple, encourant une peine entre 15 et 20 ans de prison, sont jugées par une cour criminelle. Celle-ci est composée uniquement de juges professionnels. La cour d’assise réunissant sous sa forme initiale des magistrats et des citoyens tirés au sort appelés jurés, punit désormais les crimes qui requièrent plus de 20 ans de réclusion.

Une nouvelle juridiction est née depuis le 1er janvier 2023. Il s’agit de la cour criminelle, laquelle se généralise sur l'ensemble du territoire français pour le jugement des crimes, punis de 15 à 20 ans de réclusion (à l'exception du département de Mayotte).

Elle est composée de cinq magistrats professionnels, deux d'entre eux pouvant être magistrats honoraires ou exercer leurs fonctions à titre temporaire. Les crimes concernés sont plus particulièrement les viols, les coups mortels, les vols à main armée, le proxénétisme aggravé, ou l'esclavagisme.

Cour d’assises maintenue

La cour d'assises quant à elle, reste compétente pour juger les crimes requérant plus de 20 ans de réclusion, ainsi que les procès en appel.

Aujourd'hui, on est sur quelque chose qui fonctionne, il y a une très bonne tenue des débats. Là où vous jugez un procès d'assises en trois jours, devant la cour criminelle départementale, vous le jugez en deux jours.

Stéphane Mazars, député Renaissance et rapporteur du projet de loi à franceinfo

"Des motifs purement gestionnaires"

A l’issue de l’expérimentation menée durant trois ans, entre le 1er septembre 2019 et le 1er janvier 2022 dans 15 territoires dont La Réunion, la Guadeloupe et la Guyane, le syndicat de la magistrature avait émis sa désapprobation de cette réforme, sensée "réduire les délais de traitement".

On est dans un siphonnage d'une justice qui était populaire, avec des jurés qui étaient très importants, ce qui permettait une démocratisation du judiciaire (…). On prenait le temps d'entendre l'ensemble des parties, pas seulement les accusés, mais aussi les parties civiles, les témoins, les experts et on est en train de détricoter ça, pour des motifs purement gestionnaires. Donc véritablement, c'est une des mesures, d'un point de vue symbolique, assez indignes. Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (mercredi 14 avril 2022 sur franceinfo)

Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature

(mercredi 14 avril 2022 sur franceinfo)

Avant de devenir parlementaire, Jiovanny William exerçait le métier d'avocat.

Le député martiniquais, Jiovanny William, avocat pénaliste de formation, est plus nuancé sur cette nouvelle cour criminelle sans jurés.

Concernant la procédure, l'absence de jurés permet une justice plus rapide, qui se rapproche de la temporalité des faits. Il n'y a plus d'aspect pédagogique du procès puisque les magistrats ont connaissance des dossiers avant l'audience. Le travail des avocats se révèle plus technique, plus juridique et les débats plus sereins, car on ne se trouve pas face à l'incertitude populaire, des préjugés souvent difficiles à contourner, exemple : pour ou contre la peine de mort, ou sur l’homophobie. Cette justice est donc plus synthétique et les résultats ont démontré que les verdicts n'étaient pas plus sévères. Cependant, la justice dite populaire est l'un des fondements de notre système juridique, c’est-à-dire rendue par le peuple. En faire une justice purement professionnelle, réduit considérablement son essence de mon point de vue.

Jiovanny William, avocat et député de Martinique

Pour rappel, un juré est un citoyen tiré au sort sur les listes électorales pour siéger à la cour d'assises. Il participe aux côtés des magistrats professionnels, au procès des personnes accusées de crime. Le juré exerce pleinement la "fonction de juge".

"Si vous êtes retenu pour siéger lors d'une session d'assises, vous êtes obligé de le faire sauf s'il y a un motif grave qui vous en empêche. Vous devez respecter certaines obligations et vous avez droit à des indemnités" précise service-public.fr sur son site en ligne.

En novembre 2022, un rapport du comité d’évaluation et de suivi des CCD - Cours Criminelles Départementales - a été publié (à consulter →ICI). Le document est diversement commenté par les professionnels de la justice et les parlementaires de la République.