Que peut gagner la Martinique d’une réforme de la Constitution spécifique à l’Outre-mer ?

Les élus de Martinique réunis en congrès à l'hôtel de l'Assemblée.
La réforme de la Constitution concernant les collectivités d’outre-mer ne concernera que la Nouvelle-Calédonie d’ici le premier trimestre de 2025. Le président de la République l’a dit aux élus de nos territoires qu’il a reçus, le 20 octobre 2023. La porte n’est pas fermée pour un toilettage des institutions de Martinique.

Le chef de l’Etat ne veut pas engager plusieurs discussions parallèles lors de ce processus complexe et risqué qu’est une révision de la Constitution. Si un nouveau cadre est obligatoire en Calédonie après trois référendums d’autodétermination afin d’éviter un vide juridique, le consensus n’existe pas encore entre indépendantistes, loyalistes et gouvernement. L’Élysée préfère refermer ce dossier explosif avant de s’attaquer à la réécriture des articles 73 et 74 régissant les autres territoires.

Ce moment pourrait ne jamais survenir durant ce quinquennat, le temps restant étant trop court pour une deuxième révision constitutionnelle portant uniquement sur l’Outre-mer. En revanche, l’hypothèse reste crédible et inscrite à l’agenda présidentiel. Cette révision pourrait prendre en compte d’autres sujets comme l’autonomie de la Corse ou encore la législation sur l’imigration. L’Élysée a compris aussi que le consensus n’existe pas dans toutes nos collectivités d’une part, et entre elles, d’autre part. Il a raison et tort en même temps, comme disent les macronistes.

Le consensus n’existe pas en Martinique, mais il est en cours. Le congrès des élus, seule instance habilitée à enclencher un changement des institutions ou du statut, devrait s’accorder, à la fin de novembre 2023, sur le calendrier et le contenu de la réforme souhaitée par la gouvernance de la CTM. Dans les autres territoires où un accord général existe sur les objectifs à atteindre à court ou moyen terme.

Séance plénière de l'Assemblée de la CTM.

Situations différentes et accord minimal

À Saint-Martin, la collectivité exige une autonomie fiscale renforcée ; en Guadeloupe, le congrès des élus a acté la fusion de la région et du département ; en Guyane, la marche vers l’autonomie est consacrée par les élus depuis mars 2022 ; à la Réunion, il s’agit de supprimer le paragraphe de la Constitution empêchant toute évolution ; et à Mayotte, les élus exigent de disposer de la totalité des compétences de la région.

Et puis, en dépit de situations et de revendications différentes, les signataires de l’Appel de Fort-de-France de mai 2022 font bloc sur le déverrouillage du statut des collectivités qu’ils président. C’est une première dans l’histoire de la dite outre-mer. Le président devrait tenir compte de l’exigence formulée par nos élus d’une rénovation des modèles de développement économique et social en vigueur dans nos territoires, obsolètes et inopérants. Ce qui passe par l’évolution du cadre administratif.

Ceci posé, rien n’interdit d’enclencher un processus de toilettage ou de changement radical du statut. Les consultations populaires de décembre 2003 et de janvier 2010 que nous avons connu en Martinique montrent amplement que nous pouvons tenter des avancées, même si l’échec est au bout. Il reste à savoir quel est l’intérêt de ces éventuels changements en l’absence de projet de société.

Tant que nous ne définirons pas, après débats et controverses s’il le faut, un horizon pour le pays et les moyens d’y parvenir, toute tentative d’évolution strictement juridique échouera. Ce n’est qu’à partir d’un accord général sur ce que nous voulons, par nous et pour nous, que nous pourrons établir de nouvelles règles de fonctionnement de notre société. Il n’y a plus qu’à…