Régions ultrapériphériques : la stratégie de la dérogation permanente est-elle viable à long terme ?

Réunion de travail des représentants des Régions ultrapériphériques, le 8 novembre 2023, à Santa de Cruz de Tenerife, en Espagne.
Une fois de plus, les présidents des régions ultrapériphériques ont mis l’accent sur leurs singularités pour demander des assouplissements de certains règles en vigueur dans l’Union européenne, à l’occasion de leur conférence annuelle à Ténérife, la semaine dernière. Mais cette position peut-elle être pérenne ?

Adaptation. C’est le mot-clé lancé par les représentants des neuf régions ultrapériphériques européennes, les RUP, lors de leur conférence annuelle, tenue cette année aux Îles Canaries. Les présidents ou leurs représentants (Patricia Telle pour la Martinique) ont rappelé la singularité des défis de tous ordres qu’ils doivent relever sans arrêt.

Il s’agit notamment du développement économique qui se heurte à de multiples handicaps permanents, du fait de l’étroitesse de nos marchés, de l’éloignement des centres d’approvisionnement et de la vulnérabilité aux aléas naturels de ces territoires. La lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique constituent aussi des obstacles presque insurmontables. Ajoutons à cette liste l’enclavement, ou l’isolement, de ces pays.

Toutes les normes en vigueur dans les pays riches de l’Union européenne ne peuvent pas s’appliquer ipso facto à ses régions ultrapériphériques. Ce terme lui-même dit bien que ces pays sont et resteront distants du continent sur tous les plans : économique, social, culturel. Qui compose cet agglomérat ?

Des défis permanents à relever

Pour le Portugal, il s’agit de Madère, dans la Méditerranée, et de l’archipel des Açores, à 1 500 kilomètres au sud-ouest du continent, dans l’océan Atlantique. Pour l’Espagne, c’est l’archipel des Canaries, à une centaine de kilomètres du Maroc, dans l’Atlantique aussi. Nous connaissons les possessions de la France : Saint-Martin, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion et Martinique.

Les présidents des RUP, au-delà de la diversité de ce sous-ensemble, parviennent à former un bloc uni depuis trente ans. Au-delà aussi de leur appartenance politique, ils ont réaffirmé leur volonté de travailler en harmonie. D’où leur insistance à faire comprendre aux dirigeants européens que la position géographique de nos territoires constitue un avantage pour l’UE. Ce que certains dirigeants des États-membres ont du mal à comprendre. Surtout ceux des pays ne possédant pas de passé colonial.

Au-delà de ces demandes d’adaptation et de dérogations aux règles, avons-nous vraiment besoin de l’Union européenne ? Oui, bien sûr, puisque notre État n’est pas capable de subvenir seul à nos besoins et à nos souhaits de modernisation économique et sociale. Au contraire, il crée toutes sortes d’obstacles pour empêcher notre émancipation.

Les représentants des RUP lors de la Conférence des Présidents des Régions Ultrapériphériques, à Santa Cruz de Tenerife (îles Canaries), le 8 novembre 2023.

Une civilisation qui vacille sur ses fondements

En même temps, il n’est pas certain que nous devrions lier notre avenir au Vieux continent. Qu’avons-nous à apprendre de l’Europe, vu ce qui s’y passe ? Guerre injuste et inutile en Ukraine, tensions permanentes entre la Serbie et la Croatie, persistance du racisme contre les Arabes, les Juifs et les Noirs.

L’UE a beau être le premier ensemble économique mondial, il n’est pas certain, en revanche, qu’elle soit encore la référence mondiale en termes de civilisation et d’éthique. D’où la question de savoir ce que nous pouvons encore apprendre de cette civilisation en train de vaciller sur ses bases.