C’était en 1979. Suzy Trébeau a 10 ans. Elle grandit en mode "garçon manqué" au quartier de Clairière à Fort de France, la ville qui l’a vue naitre. Son père, chauffeur de taxi, ne vit pas avec la famille. Sa mère, aide-soignante à l’hôpital, élève seule ses sept enfants, mais ne les prive de rien ou si peu.
C’est d’elle que je tiens ma passion pour la musique et le chant. Ma mère m’achetait tous les samedis au moins 10 vinyles, tous styles confondus. D’ailleurs c’est elle qui m’a fait découvrir Michael Jackson. Ça vous situe le personnage !
Suzie Trébeau
En 1979, Suzy Trébeau n’aime rien de plus que les vacances dans la petite maison de pêcheur de ses grands-parents à Bellefontaine, et les virées chez son arrière-grand-mère aux Anses d’Arlet. La vieille dame se renfrogne chaque fois que ses petits-enfants refusent de manger des légumes pays, en leur lançant invariablement : " Ti manmay atjolman zot ni ganm" (les enfants d'aujourd'hui font des manières).
En 1979, Suzy Trébeau ne sait pas encore qu’elle ira au collège de Pointe des Nègres et, qu’après la classe de 3ème elle passera par le COPES pour des études de couture. Ce qu’elle sait en revanche, c’est qu’elle n’aime pas trop l’école et encore moins ce que l’on lui fait subir entre deux cours.
J’ai souffert du racisme à cause de ma couleur de peau. Trop foncée pour mes propres compatriotes. Ça ne s’oublie pas. Mais dans l’ensemble, j’ai eu une enfance plutôt joyeuse et insouciante.
En 1979, Suzy Trébeau a 10 ans. Certains week-ends, elle délaisse les pique-niques avec parents, amis, voisins, ou les tournois de football, pour passer l’après-midi avec son grand-père qui l’emmène dans des concours d’orchestres. Cette année-là, c’est le déclic !
J’ai assisté à un concours où les gens sifflaient Jocelyne Béroard parce qu’elle chantait en anglais. Elle leur a répondu : "Un jour, vous m’appellerez MADAME Jocelyne Béroard". Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à ma mère : Un jour, je chanterai comme la dame du concours ! Je rêvais déjà d’être une artiste. En y pensant bien, je ne pouvais pas faire autre chose. J’ai baigné dans la musique dès l’enfance. J’imitais mes idoles devant le miroir avec une brosse à dents à la main en guise de micro et une serviette sur la tête pour les cheveux long. Je regardais mes frères jouer avec leur groupe Le Bookelos. La salle de répétition se trouvait chez ma mère. J’en ai vu défiler des artistes !
À 16 ans, Suzy Trébeau est présentée par l’un de ses frères à Joël Zabulon. Premier essai en studio. Satisfait, Zabulon la met en contact avec José Versol pour des chœurs sur son album. L’ingénieur du son Jean-Pierre Bullot, qui officie ce jour-là, est séduit à son tour. Il lui propose de devenir choristes chez Hibiscus Records, la maison de disque du couple Mauriello.
La jeune femme est lancée. Elle chante avec Éric Virgal, Jacky Alpha, Zaza, Taxi Kréol, fait sa première scène avec le groupe Bassingo de Willy Léger devant dix-mille personnes en Colombie, puis intègre Malavoi avec lequel elle voyage et se produit à l'Élysée pour François Mitterrand et le président sénégalais Abdou Diouf en 1992.
L’année 1992 voit la naissance également de Kwak. C’est le nouveau phénomène zouk à l’époque.
Kwak est mon groupe chéri, pour le meilleur et pour le pire. Je lui dois beaucoup. En 1992, nous étions les rois du monde. Les expériences comme les mercredis et vendredis au INN, les tournées aux États-Unis ou en Haïti, la féerie à chaque sortie d’album, les tubes comme Séré mwen, Konparézon, Kontinué… tellement de souvenirs pendant cinq ans !
Aujourd’hui, Suzy Trébeau continue de chanter, en solo, ou avec ses amies Jocelyne Béroard, Joëlle Ursull, Tanya Saint-Val, Jocelyne Labylle, Princess Lover et Tatiana Miath, qui forment avec elle le concept Lawon dé dam. Elle fait également de la radio.
Comme quoi la musique mène à tout, à condition de sortir d’un studio pour entrer dans un autre.