Le 31 juillet 2022, Mercedes Arnau-Cabarello quitte la Havane avec sa fille âgée de 8 ans. Elles sont parties avec une petite valise, direction le Mexique. Plusieurs jours avant son départ, Mercedes a eu une crise d’eczéma, la première de sa vie, déclenchée par la peur du voyage qu’elle allait entamer.
Mais elle ne pouvait pas changer d’avis, car depuis 2 ans, elle vivait sous pression par rapport aux difficultés de la vie à Cuba. Elle dit que si elle n’avait pas sa fille, elle serait déjà morte. Elle voulait se suicider, parce que son salaire mensuel de 70 euros, ne suffisait plus pour nourrir sa fille et sa grand-mère. Souvent, elle ne mangeait pas à sa faim.
Des pénuries sans fin
A l’hôpital pédiatrique ou elle s’occupait des enfants en insuffisance rénale, le personnel recyclait le matériel à usage unique.
Après son service, elle se retrouvait souvent dans des files d’attente pour tenter d'obtenir du poulet, de l’huile comestible et de la poudre de lessive. Il y avait une queue pour chaque produit.
Parfois, après 4 heures d'attente debout, les portes du dépôt se refermaient devant elle, faute de stocks suffisants pour servir tout le monde. Et elle ne pouvait pas payer les prix affichés dans les magasins dollars.
En quête d'un avenir meilleur
Parfois, pour étoffer son budget, la jeune médecin travaillait comme assistante pour les compagnies audiovisuelles françaises, car elle est parfaitement bilingue.
Avec cet argent supplémentaire, elle pouvait payer les frais de dossier de sa demande d’équivalence d’études en Espagne. Elle souhaitait partir exercer à Madrid, sauf que la pandémie de Covid a stoppé la saisie administrative.
La cubaine a aussi postulé à l’ARS de Guadeloupe et de Martinique. Deux ans après cette démarche, sa situation n’a pas évoluée.
Avec uniquement en poche des visas Schengen pour elle et sa fille, Mercedes avait le droit de prendre l’avion pour le Mexique. Cependant, la police des frontières mexicaines refoulaient les ressortissants cubains, afin de les dissuader de franchir la frontière des USA.
Recours à un passeur
À l’aéroport de Mexico City, la mère et sa fille sont brusquement convoquées par un agent qui leur annonce qu’elles sont libres de partir. Sans poser de questions, elles embarquent toutes les deux à bord d'un autre avion, en direction du nord du Mexique, toujours près de la frontière américaine.
Pendant 8 jours, elles restent enfermées dans une maison. Mercedes avait peur d'être kidnappée par les trafiquants. Un soir, un "coyote" (nom donné aux passeurs), les embarquent dans une voiture. Quelques heures plus tard, elles se trouvent à bord d’un petit bateau, en train de traverser la Rio Grande, direction le Texas. Mercedes priait sans cesse, parce que sa fillette et elle ne savaient nager.
Demande d'asile
Arrivées sur la rive américaine, le coyote leur indique le chemin. Après quelques minutes de marche, Mercedes et sa fille sont arrêtées par une patrouille et transférées dans un centre de rétention, où elles rejoignent des centaines d'autres femmes et enfants d’Amérique latine.
Certaines d’entre elles y ont déjà passé plusieurs mois en attendant les autorisations du département de l'immigration. Mais Mercedes et sa petite n'y sont restées que 24 heures. L’asile politique est quasi-automatique pour les ressortissants cubains, vénézuéliens et nicaraguayens. Elles ont donc été nourries, vêtues et vaccinées contre le COVID19, les américains ne reconnaissant pas les vaccins cubains.
Après deux jours passés au Texas avec des amis de sa sœur, Mercedes et sa fille s'envolent ensuite pour Miami, où habite justement sa frangine. C’est cette dernière qui a versé une petite fortune au "coyote" pour assurer sa venue.
Aujourd’hui, la famille est réunie. Le voyage entre la Havane et Miami aura tout de même duré 10 jours au total. Malgré les nouveaux soucis qu’affronte Mercedes aux États-Unis où elle ne peut pas exercer son métier, docteur Arnau-Cabarello estime néanmoins être enfin libre.