Jeudi 14 février. Plateau de Chalvet, à la limite du Lorrain et de Basse-Pointe. Plusieurs dizaines d’ouvriers agricoles en grève cheminent d’une exploitation à l’autre. Leur but : faire cesser le travail et renforcer le nombre des grévistes. Alors qu’elle traverse un champ d’ananas, la colonne est dépassée par deux camions de la gendarmerie.
Ces gendarmes mobiles tendent une véritable embuscade aux ouvriers grévistes. Les militaires débarquent de leurs camions. Simultanément, un hélicoptère tourne à basse altitude au-dessus du groupe de manifestants. Les habitants du quartier sentent le danger. Ils se réfugient dans leur maison. Les gendarmes bloquent la progression de la grève marchante.
L’affrontement est inévitable. Il est bref et violent. À terre et depuis l’hélicoptère, les militaires utilisent des balles réelles avec pistolet-mitrailleur et pistolet automatique. Pourtant, les ouvriers sont désarmés et pacifiques.
Un affrontement bref et violent
Les gendarmes justifient leur action par "la légitime défense collective face à une centaine de manifestants portant gourdins et coutelas", selon le rapport du chef du détachement, le lieutenant Meunier. Cette version officielle, maintes fois démentie par la suite, est avalisée par le préfet, Christian Orsetti.
Surpris par la violence et la soudaineté des tirs, les ouvriers tentent d’échapper à la mort. Ils se réfugient tant bien que mal sous les arbres à pain à proximité. Certains rampent en dessous des plants d’ananas, heureusement suffisamment hauts pour cacher un homme. L’un d’eux jette son maillot rouge dans le champ d’ananas. Le tissu est retrouvé le lendemain portant 24 impacts de balles.
Le bilan de cette journée sanglante est lourd : un mort, Rénor Illmany, 55 ans, ouvrier agricole ; quatre grévistes et deux gendarmes grièvement blessés. Ce conflit social sera la dernière grève meurtrière sur le territoire français.