Une nouvelle donne politique pour la Martinique est-elle possible ?

Un des 61 bureaux de vote de Fort-de-France.
Il est devenu hautement souhaitable à court terme que les citoyens et leurs élus définissent un nouveau cadre de pensée et d’action, après cette élection présidentielle marquée par l’urgence de la rupture avec un système oxydé.

La leçon politique donnée à nos élus et au pouvoir central finira-t-elle par être comprise ? Le vote paradoxal et incompréhensible de prime abord, à l’élection présidentielle restera à l’agenda pour un long moment. Ce qui a été exprimé à cette occasion par les citoyens mobilisés est un appel aux élus afin qu’ils se remettent à faire de la politique.

Il leur est ordonné de s’occuper des affaires de la cité, le sens premier de la notion de politique. Traduit en langage du 21e siècle, cette injonction donnerait : "Occupez-vous de nos affaires, préoccupez-vous de nos problèmes, écoutez nos attentes, notez nos exigences, même si elles sont contradictoires". Le catalogue de ces souhaits est épais.

Par exemple, le scandale sanitaire et environnemental de la pollution au chlordécone. Il est en train de devenir un scandale judiciaire. Nous savons que le tribunal de Paris va bientôt prononcer la prescription sur l’essentiel du dossier. Nous savons aussi qu’aucun magistrat ne se risquera à faire condamner l’État, ni les profiteurs de cet empoisonnement collectif.

Vers un retour à la politique ?

Sortir la tête haute de cet imbroglio implique une solution politique, élaborée de concert avec les élus et le prochain gouvernement pour dépolluer notre environnement, indemniser les victimes et prévenir d’autres abus de ce genre. Un exemple voisin est celui des échouages des algues sargasses. Nous savons que seul un accord international impliquant tous les pays concernés pourra limiter les effets néfastes de ces nuisances. La solution est politique, là aussi, et doit être imaginée par l’État et les élus pour être crédible.

Et que dire de la santé ? Notre hôpital public se meurt. Nos infirmières libérales et médecins de ville ont été écartés de la prévention et de la prise en charge des patients durant la pandémie. Des professionnels aguerris sont suspendus sans ressources alors qu’ils n’ont été condamnés par aucun tribunal. Là encore, les technocrates doivent rendre leurs pouvoirs exorbitants aux représentants du peuple.

Et puis, comment résorber la pauvreté et réduire les inégalités sociales persistantes devenues intolérables ? Et puis, quels moyens déployer pour insérer dans la société les jeunes sortis du système scolaire sans bagage ? Et encore, comment parvenir à l’autosuffisance alimentaire, réclamée par les consommateurs et souhaitée par les agriculteurs ?

Des solutions politiques à imaginer

Sur tous ces sujets, ce sont des décisions politiques que nos élus doivent élaborer. La sécurité publique, si elle n’est pas de leur ressort, pourrait être améliorée si leur parole était prise en compte sur la lutte contre le trafic de drogue et son corollaire, le trafic d’armes.

Un autre domaine de la compétence de l’État est l’emploi. Nous voyons le résultat : un adulte sur trois est sans activité professionnelle régulière ou à temps plein. Là aussi, nos institutions ont leur part à jouer. Non pour faire diminuer le chômage, mais pour le combattre réellement.

Ce qui suppose un changement radical de notre système économique à bout de souffle. Lequel ne peut être conçu que dans un nouveau cadre de référence de pensée et d’action politique.

Pour accomplir cette révolution sur nous-mêmes, les élus doivent se montrer lucides sur leurs limites et surtout, déterminés à se montrer audacieux. A cette condition, il est évident qu’ils seront épaulés par les citoyens.

Élus et citoyens, nous attendons tous un new deal, une nouvelle donne politique.