La création du premier lycée laïc de Martinique doit beaucoup au militant républicain anti-esclavagiste Victor Schoelcher. Ses alliés martiniquais n’ont cessé de relayer dans la colonie son long combat mené durant une décennie au Parlement. Marius Hurard, Ernest Deproge, Clavius Marius, Eugène Agricole ou encore Auguste Waddy ont bataillé aux côtés de Schoelcher pour que le gouvernement consente à la création d’un lycée laïque.
L’enseignement est alors monopolisé par les ordres religieux. Ils scolarisent essentiellement les enfants de l’élite, fonctionnaires de passage et békés. Le combat des républicains, partisans de l’égalité des droits et militants de l’instruction publique, trouve un épilogue heureux en 1871. Le Conseil général, où ils sont majoritaires, ouvre un collège laïque à Saint-Pierre.
Lequel devient dix ans plus tard le lycée colonial de la Martinique. Il compte 80 élèves. Le président du Conseil général, Marius Hurard, est contraint de partir en France sur ses propres deniers pour recruter des professeurs. Il est vrai que le gouvernement se montrait volontiers favorable au clergé local et aux milieux dirigeants qui constataient amèrement les progrès de la laïcité.
Un établissement datant de 150 ans
En février 1902, le lycée est baptisé du nom du célèbre abolitionniste. Trois mois plus tard, il disparaît lors de la destruction de Saint-Pierre par l’éruption de la Montagne Pelée. Ce n’est pourtant pas la fin du lycée Schoelcher. L’établissement est transféré à Fort-de-France, à la caserne Bouillé.
Puis, en 1919, une commission décide de construire un nouveau bâtiment. Le lieu choisi est celui de l’ancienne maison du gouverneur, au domaine de Bellevue. Le terrain domine la baie des Flamands. Son ouverture est prévue pour 1935, année de la célébration du "tricentenaire du rattachement de la Martinique à la France". Les travaux sont complexes. Le chantier est retardé de deux ans. Le nouveau lycée ouvre ses portes en 1937.
Au fil du temps, le vénérable édifice tombe en ruines et menace l’intégrité physique de ses occupants. Aimé Césaire, maire honoraire de Fort-de-France, demande son classement comme monument historique en octobre 2007. Sa demande est refusée par le ministre de la Culture. Toutefois, les trois bâtiments de l’entrée principale sont inscrits au répertoire des monuments historiques.
Une reconstruction sur site
Le lycée est démoli à partir de juillet 2013 en vue de sa reconstruction sur site. Ce qui suppose son transfert provisoire à la Pointe des Nègres, dans un climat tendu. Parents d’élèves et syndicats d’enseignants contestent le choix de l’équipe d’Alfred Marie-Jeanne. A la tête de la Collectivité Territoriale de Martinique, prend le relais de Serge Letchimy, le dernier président du Conseil régional qui avait la charge des établissements scolaires du second degré.
En cette rentrée 2022, le lycée Schoelcher revient donc logiquement dans ses murs. Il offre à ses élèves et à sa communauté éducative un espace entièrement rénové dessiné par le lauréat du concours de conception en 2005, l’architecte guadeloupéen Alain Nicolas. Les bâtiments originels de 1937, classés, sont préservés.
Il est désormais à espérer que le lieu soit propice à l’éclosion de nouveaux génies. Une future célébrité mondiale en sera peut-être issue, à l’instar de nos plus grands intellectuels – Aimé Césaire, Frantz Fanon, Edouard Glissant. Qui sait ?