Quelle est la différence entre une dissolution et une motion de censure ?
La dissolution, nous l'avons vécue en juin, c'est une prérogative du président qui lui permet de mettre fin aux mandats des députés, avant la fin de l'échéance de cinq ans. Cette prérogative est libre, elle dépend de la seule volonté du chef de l'État, cependant, il doit préalablement consulter le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée et du Sénat. Cela entraîne de nouvelles élections.
La motion de censure, c'est l'inverse, c'est une prérogative de l'Assemblée nationale, c'est un instrument de contrôle qui permet aux députés de contrôler l'action du gouvernement. En cas d'adoption, c'est le renversement du gouvernement en place. C'est ce qui s'est passé hier soir avec le vote par 331 députés de la motion de censure déposée par le NFP et soutenu par le Rassemblement national. Rien n'oblige ensuite le président à démissionner, il doit en revanche attendre un délai d'un an, soit l'été 2025 pour pouvoir dissoudre à nouveau l'Assemblée. Il ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat, c'est-à-dire en cas de haute trahison, ou s'il se rend coupable de crime de guerre ou de crime contre l'humanité, il pourra alors relever de la compétence de la Cour pénale internationale.
Et maintenant ? Qu'est ce qui va se passer ?
Sur le plan constitutionnel, aucun élément ne contraint le président à nommer le Premier ministre dans un délai déterminé. Il existe ses prérogatives librement, c'est la raison pour laquelle il a pris 51 jours avant de nommer Michel Barnier. Il peut aussi bien nommer un Premier ministre aujourd'hui que plus tard, mais plus il tarde, plus ça suscite de vives inquiétudes. Cette situation est caractérisée par de fortes incertitudes institutionnelles, c'est la première fois qu'on est confronté à cette situation. La fois précédente, en 1962, quand le gouvernement Pompidou a été renversé, c'était plutôt une motion de censure spontanée. Là, c'est la première fois que le gouvernement se fait renverser après avoir brandi l'arme du 49.3 (ndlr: l'article de la constitution permettant de faire adopter un texte sans vote du parlement)
Quel est le risque pour notre quotidien ?
J'ai écouté tous les discours politiques des présidents des groupes à l'Assemblée hier et c'est vrai que selon les partis, les discours étaient plus ou moins alarmistes ou rassurants. La réalité est différente : c'est vrai que le budget n'a pas été adopté, mais cela ne veut pas dire qu'on va avoir un shutdown à l'américaine, avec cessation des activités du gouvernement faute de budget. Il y a des garde-fous qui permettent au gouvernement de se relever, il peut prendre une loi spéciale pour reconduire pour 2025 le budget de 2024. Dans ce cas-là, ça résoudrait, provisoirement, la situation le temps qu'un nouveau gouvernement déposé un nouveau projet de loi de finance. Le problème, c'est qu'il ne pourra pas être adopté avant 2025, le parlement doit avoir 70 jours pour l'examiner. Mais en attendant, les textes permettent à l'État de continuer à fonctionner.