Médicaments : état des lieux des pilules et des professionnels qui nous soignent

Alternative à de simples maux de tête ou à des maladies plus graves, les médicaments font partie du quotidien de tout à chacun. A Mayotte, ces petites pilules sont importées grâce à des grossistes sans qui le parcours de soin ne fonctionnerait pas. Mais comment se porte ce secteur sur l'île depuis Chido ? Et quel avenir pour nos officines ?

Commerces de proximité et souvent premier contact d’urgence pour de nombreux malades, les pharmacies sont des maillons essentiels du parcours de soins. Pourtant, leur fonctionnement reste largement méconnu. Le cyclone Chido a brutalement mis en lumière leur rôle crucial, alors que l’île faisait face à des pénuries et des difficultés d’accès aux traitements. Trois mois après les événements, les pharmacies ont su se relever, malgré des dégâts conséquents sur leurs stocks.

Un maillage en expansion qui reste fragile

Mayotte compte aujourd’hui 27 pharmacies réparties sur l’ensemble du territoire, avec une concentration importante à Mamoudzou, selon l'ARS. Dans l'hexagone, d'après les derniers chiffres de l'Ordre national des pharmaciens, on compte une pharmacie pour 3 276 habitants contre 11 481 habitants pour une pharmacie à Mayotte. Un écart significatif qui montre combien le parcours de soin à Mayotte est fragile et en retard par rapport à l'hexagone. Des chiffres qui, de plus, ne prennent pas en compte la population non recensée sur l'île. 

Depuis plusieurs années, de nouvelles officines ont vu le jour sur le territoire mahorais, témoignant d’une amélioration progressive de l’accès aux soins. Pourtant, le parcours pour ouvrir une pharmacie sur l’île reste semé d’embûches. "Les démarches administratives sont longues et chronophages, ce qui freine parfois l’implantation de nouvelles officines", confie un pharmacien du nord de l’île.

Certaines pharmacies de l'île ont été touchées par Chido

Malgré ces obstacles, deux nouvelles pharmacies ont récemment été autorisées à Kani-Kéli et Acoua, deux communes jusqu’alors éloignées des circuits médicaux classiques.

L’approvisionnement en médicaments repose sur deux grands grossistes-répartiteurs, Copharmay et UbiPharm Mayotte, présents sur l’île respectivement depuis 2003 et 2019. Ensemble, ils assurent des livraisons quotidiennes aux pharmacies, garantissant la disponibilité des traitements. Mais cette organisation a été fortement perturbée par la crise Chido.

Une gestion des stocks mise à rude épreuve

Si les pharmacies ont aujourd’hui retrouvé un fonctionnement normal, les conséquences de Chido continuent de se faire sentir. Plusieurs officines ont dû faire face à des pertes importantes, notamment en raison des coupures d’électricité.

Le gérant de la pharmacie de Koungou, Jean-Marc Totobesola, témoigne des difficultés rencontrées en janvier dernier. "Pendant 3 semaines, nous n’avions plus d’électricité. Chaque soir, je devais transporter les médicaments réfrigérés dans des glacières pour les conserver chez moi. Ma plus grande crainte était la rupture de la chaîne du froid. Au final, nous avons tout de même dû déclarer de nombreuses pertes."

L'un des principaux problèmes pour ce pharmacien concernait les médicaments nécessitant une réfrigération comme les insulines des patients diabétiques. Ces médicaments, souvent très onéreux, sont essentiels au traitement des personnes insulino-dépendantes. Plusieurs cas de rupture de stock ou de perte chez des particuliers ont été recencés, un gros risque pour ces malades. Des situations particulièrement anxiogènes dans le nord de Mayotte, où certains malades d'Acoua ont été privés d'électricité et d'eau pendant près de 2 mois.

Un autre problème secondaire a affecté le travail des pharmaciens de l'île ; les pertes de matériel informatique. Jean-Marc Totobesola s'est retrouvé sans ligne téléphonique ni Internet jusqu'à début janvier, sans compter ses deux ordinateurs "grillés" pendant le cyclone. Des détails administratifs qui ont complexifié ses démarches pour s'approvisionner en médicaments.

La Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) déplore également l’ampleur de la crise. "Une semaine après Chido, seules deux pharmacies avaient pu rouvrir, sans électricité et avec un accès limité." Malgré ces difficultés, le réapprovisionnement a été géré de manière efficace, évitant une pénurie prolongée.

Une réponse rapide

Selon Kadri Mohamed Sofiane, gérant de la Pharmacie du Lagon et représentant du Conseil de l'Ordre, la situation est désormais sous contrôle. "Depuis Chido, le stock de médicaments a été épargné chez les grossistes. Un problème de générateur chez l’un d’eux a été compensé par le second, et grâce à l’ARS, les conteneurs bloqués ont été rapidement débloqués. Nous avons pu éviter une grosse crise sur ce point-là même si certains confrères ont eu d'autres difficultés."

Si certaines molécules restent ponctuellement en rupture, les pharmaciens s’adaptent en travaillant avec les médecins pour proposer des alternatives. "À Mayotte, nous sommes parfois mieux lotis qu’en métropole, où certaines molécules sont plus difficiles à obtenir. Aujourd’hui, 95 % des ordonnances sont honorées sans difficulté."

Pharmacie du lagon

Quel avenir pour les pharmacies sur l'île ?

Avec la création de nouvelles officines et une organisation de plus en plus rodée, l’offre pharmaceutique à Mayotte continue de se structurer. Cependant, la dépendance aux importations et la vulnérabilité logistique restent des défis majeurs. La crise Chido a mis en exergue la fragilité de l'approvisionnement en médicaments. Les deux grossistes de l'île ont su préserver le parcours de soin de justesse. 

Un renforcement des infrastructures médicales semble nécessaire, comme dans de nombreux secteurs de la santé, notamment en matière d’énergie et de circuits d’approvisionnement. La question de stocks de sécurité et de solutions alternatives en cas de blocage reste une priorité pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise.

En attendant, les pharmacies de l’île se relèvent encore tout en poursuivant leur mission et assurant à la population un accès de première ligne aux soins.