Les Sages ont tranché : la sanction prise à l'encontre de l'ex-élu mahorais Rachadi Saindou "est conforme à la Constitution". Traduction : le fait qu'il ait été démis d'office de ses fonctions d'élu local, alors même qu'il avait fait appel de la condamnation du tribunal, n'est pas contraire à la Constitution et respecte la loi.
Le Conseil constitutionnel rajoute néanmoins une réserve, à savoir que le juge doit prendre en compte le "caractère proportionné" de la démission en appréciant l'impact que "cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur".
"Mise à mort politique"
L'ex-président de la communauté d'agglomération de Dembéni-Mamoudzou (Cadema) avait été jugé pour des faits de détournement de fonds public, recels et prise illégale d'intérêt. Il avait été condamné le 25 juin 2024 à deux ans de prison dont un avec sursis et 50.000 euros d'amende.
Le juge avait également prononcé une peine d’inéligibilité de deux ans et une interdiction d'exercer une fonction publique de quatre ans. Il avait alors été démis d'office de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire car sa peine était assortie d’une exécution provisoire, c'est-à-dire d'une application immédiate.
C'est sur ce dernier point précisément que Rachadi Saindou avait saisi le Conseil constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), considérant que cette condamnation était une "mise à mort politique" alors que "la décision pénale, elle, n'est pas définitive."
Retour devant le Conseil d'État
Pour son avocate, Me Myriam Gougeon, "cette déclaration de conformité" est quelque peu décevante. "On a par ailleurs le maintien d'une différence de traitement entre élus locaux et élus nationaux qui est un peu surprenant, a-t-elle déclaré au micro d'Outre-mer la 1ère, faisant référence aux élus nationaux qui ne sont pas déchus de leur fonction en cas de contestation devant la justice. On espérait une harmonisation de la jurisprudence pour davantage de lisibilité."
Elle se dit quand même partiellement satisfaite par la "réserve d'interprétation" : "Elle nous garantit quand même une motivation de la décision du juge pénal", c'est-à-dire qu'il doit justifier pourquoi il ordonne qu'un élu soit démis d'office de ses mandats.
"On va retourner devant le Conseil d'État, poursuit l'avocate. Maintenant, un nouveau débat va s'enclencher pour savoir si, dans notre affaire, la décision du juge pénal est suffisamment motivée pour que le préfet ait pu démettre immédiatement M. Saindou de tous ses mandats locaux."
Or, pour Me Gougeon, cette décision "se borne à retenir que les faits reprochés à M. Saindou sont graves. Mais elle n'évoque pas du tout l'incidence éventuelle de la peine d'inéligibilité" immédiate "sur les mandats en cours de M. Saindou ni sur la liberté de l'électeur". Aucun délai n'est fixé, mais l'avocate espère une décision cet été.
Pas de lien direct avec Le Pen
Beaucoup avaient fait le rapprochement entre le cas de Rachadi Saindou, inéligible pendant deux ans de par sa condamnation, et la situation de Marine Le Pen. Cette dernière attend en effet la décision du tribunal le 31 mars prochain dans l'affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national et risque notamment cinq ans d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire, ce qui l'empêcherait de se présenter à l'élection présidentielle.
Mais comme expliqué par l'avocate de l'ex-élu Mahorais au moment de l'audition le 18 mars, il y avait eu "confusion" et précipitation. La décision du Conseil constitutionnel de ce 28 mars le confirme : la QPC ne concernait que la partie du Code électoral consacrée aux élus locaux.