Un élu condamné peut-il perdre son mandat même s'il fait appel de sa condamnation ? C'est le principe des peines d'inéligibilité assorties d'une exécution provisoire : l'appel n'est pas suspensif, la peine s'applique immédiatement. C'est ce qui a conduit en juin 2024 le président de la Cadema Rachadi Saindou à perdre ses mandats, dès sa condamnation pour détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêt notamment à quatre ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.
Cinq élus mahorais ont déjà écopé d'une exécution provisoire
Depuis l'élu a posé un recours devant le Conseil d'État pour adresser une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité, une procédure lui permettant de questionner la légalité d'une loi ou de son interprétation au regard des droits et libertés garantis par la constitution. Le 27 décembre, le Palais Royal accède à la demande et décide de saisir le conseil constitutionnel. Les sages de rue Montpensier ont jusqu'au 3 avril pour rendre leur décision. D'un côté, le principe de cette peine complémentaire est d'éviter la fuite ou la récidive en cas de recours. De l'autre, ses opposants dénoncent une "peine de mort politique" incontestable quand elle s'applique aux élus.
Cette décision est donc très attendue pour définir les contours de cette peine complémentaire, que le parquet de Mayotte n'a pas hésité à utiliser ces dernières années sous l'impulsion de l'ancien procureur Yann Le Bris. Le vice-président du département Salim M'déré, co-prévenu de Rachadi Saindou, a également écopé de deux ans d'inéligibilité avec exécution provisoire. L'ancien maire de Bouéni, Mouslim Abdourahaman, est derrière les barreaux de Majicavo depuis janvier suite à sa condamnation à trois ans de prison, dont un avec sursis, assorti d'exécution provisoire pour favoritisme et prise illégale d'intérêt. À cela s'ajoute, Andhanouni Said, l'ancien maire de Chirongui, et Mohamed Bacar, l'ancien maire de Tsingoni, tous deux condamnés à des peines d'inéligibilités avec exécution provisoire notamment pour favoritisme et prise illégale d'intérêt.
Le sort de Marine Le Pen
L'avis du conseil constitutionnel risque aussi de jouer sur le destin politique de Marine Le Pen. La cheffe de file des députés du Rassemblement national connaîtra son jugement le 31 mars dans l'affaire des assistants parlementaires du FN. Le parquet a requis à son encontre cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire, ce qui pourrait la priver des prochaines élections législatives en cas de dissolution, mais aussi de la présidentielle de 2027.
Cette décision sera aussi la première rendue par Richard Ferrand, le nouveau président du conseil constitutionnel. Sa nomination proposée par Emmanuel Macron a été validée de justesse par les députés, certains accusent même la majorité présidentielle d'avoir pactisé en secret avec le Rassemblement national pour bénéficier de leurs voix. Une affirmation niée par les deux camps concernés.