1953-2023, la disparition du caboteur La Monique sera commémorée cette année comme jamais

Un pick-up Willys ramené depuis le caboteur "La Monique" jusqu'au littoral de Xepenehe, à Lifou.
Le 31 juillet 1953, La Monique prenait la mer à Maré… sans arriver à Nouméa. Le caboteur qui transportait 126 personnes n’a jamais été retrouvé. Le soixante-dixième anniversaire de ce drame calédonien est marqué par plusieurs mois de commémoration, dont le point d'orgue a lieu entre le 22 et le 31 juillet.

Un événement sans précédent en Nouvelle-Calédonie. Après la montée en puissance de l'an dernier, sur l'impulsion du gouvernement Mapou, une soixantaine de rendez-vous ont été programmés en 2023 pour faire vivre le soixante-dixième anniversaire d'une disparition aussi mystérieuse que tragique. Dans tout le pays. Et sous des formes très différentes, parce que l’organisation a souhaité que les communes s’emparent de cette histoire.

Des commémorations qui, à travers l'art et la jeunesse, déroulent un fil conducteur fort : "La Monique est un pays, La Monique est vivante."

C'était notre ambition de savoir si on était capable d'en faire un événement pays et de montrer que "La Monique" était vivante. Ce qui s'annonce a dépassé toutes nos prévisions. C'est à travers tout le pays qu'il y a des retours. 

Louis-José Barbançon, président de l'association La Monique

Entendez aussi le ressenti de Mickaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture. Il répond à Stéphanie Chenais et Cédric Michaut.

Avec une association

L'association La Monique a été créée en janvier dernier. Présidée par Louis-José Barbançon, historien et fils d'un disparu qui était second mécanicien à bord, elle compte dans son bureau Sophie Gambey Sirot, présidente d'honneur ; Alain Le Breüs, premier vice-président ; Sylvie Hmeun, deuxième vice-présidente ; Samuel Dick Ukeiwë, secrétaire ; Delphine Hashimoto née Ohlen, trésorière ; et Christiane Feleu, trésorière adjointe. 

Reçu à NC la 1ère mardi 11 juillet pour le journal de midi, Samuel Ukeiwë a expliqué les raisons d'un tel engagement. "J'ai grandi avec une grand-mère, à la maison, qui m'a toujours parlé de cette histoire. D'un de ses frères, de ses cousins, qui avait disparu dessus, a-t-il confié à Medriko Peteisi. En même temps, on a ce côté artistique où la musique nous rappelle toujours La Monique avec les titres de Pedro, la chanson de Abraham Manane. Cette volonté de s'impliquer est aussi parce que c'est un projet qui rassemble les Calédoniens, au travers de cette histoire tragique mais qui crée des ponts, des passerelles, entre les différentes ethnies de la population".

Deux dates symboliques

Les célébrations connaîtront leur point d'orgue du 22 au 31 juillet. C'est le 22 juillet à 10h20 que La Monique a quitté le quai des caboteurs, et la Grande terre, pour effectuer une rotation sur les Loyauté. Et c'est l'après-midi du 31 juillet 1953 que ce navire appartenant à la Société des îles Loyalty a pris la mer, très chargé, pour la dernière fois, depuis Maré et en direction de Nouméa où il n'est jamais arrivé. Il transportait dix-huit membres d'équipage, et 108 passagers. Dont, en tout, 59 personnes de Lifou, 33 d'Ouvéa, onze de Maré...

Des stèles inaugurées, à Nouméa et à Lifou

Le 22 juillet, une stèle commandée par la mairie de Nouméa sera inaugurée baie de la Moselle. Sera par ailleurs lancée une exposition de 24 photographies sur les grilles de l'hôtel de ville. Inauguration de stèle également le 30 juillet, à Lifou, au site Haima de Xepenehe.

Hommage aux disparus de "La Monique", le 31 juillet 2022, au monument de Tadine.

Deux spectacles donnés à Nouméa

  • Le soir du 22 juillet, un grand spectacle imaginé par le chorégraphe Richard Digoué, sera présenté, sur invitation, au centre culturel Tjibaou. Chorale, hip-hop, graff, cette création intitulée Node sera diffusée sur NC la 1ère le 29 juillet.
  • Un spectacle, aussi, en guise de conclusion. Ce sera le 30 novembre, toujours à Nouméa mais cette fois au Conservatoire. Des jeunes de Maré, Lifou, Dumbéa et Nouméa livreront sur scène le regard des enfants sur cette mémoire douloureuse. 

Des fresques dans trois communes

Trois fresques seront dévoilées. L'une, signée Alejandra Rinck Ramirez, à Nouméa, à l'extérieur du Musée maritime, le 24 juillet. Puis à Dumbéa le 5 août. Et au village de Bourail, dans la rue du Colisée, le 2 octobre. C’est une volonté, que les artistes racontent cette histoire avec leurs gestes, leurs mots. En juin, un collectif d’auteurs a déjà sorti un recueil de textes, de poésie et de slam, intitulé Sur La Monique.

Une fresque dédiée à la disparition de La Monique en cours de réalisation au Musée maritime de Nouméa.

Des cérémonies

Plusieurs cérémonies mémorielles se tiendront. Sur Lifou, à Jokin le 24 juillet, à Hnasse le 25, à Luengöni le 26. Sur Ouvéa, à Fayaoué, le 28 juillet. Et bien sûr à Maré, le 31 juillet. 

Un concours de bande-dessinée

Pour l'occasion, le Musée maritime va lancer une exposition temporaire, "Monique ou le silence de la mer", le 4 août. Une autre y présentera à partir d'octobre les productions réalisées par les lauréats d'un concours. Un concours de bande-dessinée appelé "Raconte moi la Monique". Lancé par le vice-rectorat, il est ouvert aux collèges, aux lycées mais aussi aux écoles primaires.

Une expo qui va voyager

Une grande exposition itinérante, une pour chaque province, va par ailleurs amener quinze panneaux historiques au plus près des Calédoniennes et Calédoniens. Sortant des seuls lieux de culture, afin de toucher le plus de monde possible, elle est attendue :

  • le 25 juillet à Koné, au centre culturel Pomémie
  • le 27 juillet, à Dumbéa, dans le hall du médipôle
  • le 28 juillet, à Fayaoué, sur Ouvéa
  • le 29 juillet à Xepenehe, sur Lifou
  • le 31 juillet, à Maré
  • le 21 août, à La Foa, au centre culturel
  • le 28 août, à la mairie de Moindou
  • le 4 septembre, à la mairie de Farino
  • le 18 septembre, à la mairie de Kouaoua
  • le 20 septembre, à la mairie de Dumbéa
  • le 25 septembre, à la mairie de Canala
  • le 2 octobre, à Bourail au Colisée
  • le 13 octobre, à Koumac, sur Tiébaghi
  • le 16 octobre, à Koumac, cette fois en mairie
  • mais aussi en mairies de Poum, Touho, Ouégoa ou Pouébo, ainsi qu'au centre culturel Goa ma Bwarhat de Hienghène.

Un timbre et des plaques

L'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie va lancer un timbre personnalisé dans le cadre de ces commémorations. Ce sera le 22 juillet, durant la soirée-spectacle au centre Tjibaou. Toujours concernant l'OPT, une plaque sera posée le 25 juillet, à l'agence de Koné, en mémoire d'un des disparus, l'opérateur radio Victor Monnier. Et une autre le 31 juillet, à la poste de Tadine, sur Maré, cette fois pour se souvenir de Henri de Greslan, également opérateur radio, pour sa part originaire des Nouvelles-Hébrides. Dans le même ordre d'idée, le 28 août à Nouméa, un bâtiment de la DI3T sera inaugué "en la mémoire de Robert Parazols". Ce géomètre du service topographique se trouvait également à bord.

Louis-José Barbançon, Mickaël Forrest et Alain Le Breüs à la présentation des commémorations pour le soixante-dixième anniversaire de La Monique.

Beaucoup de matière destinée aux scolaires

Parce que la jeunesse de ce pays est ciblée en particulier au moment de commémorer cet anniversaire, de nombreuses initiatives ont été prises. Une mallette pédagogique est sortie en mai. Elle a été notamment conçue par Nathalie Barbançon, prof d’histoire-géo au collège Edmée-Varin d’Auteuil. Il existe également une capsule pédagogique du musée maritime et du vice-rectorat. Une classe du collège d’Auteuil a réalisé un film intitulé Les Enfants de La Monique. Des déplacements scolaires aux îles sont prévus.

Un livret et un documentaire

Citons encore la parution annoncé pour le 22 juillet du livret La Monique : des destins, par Louis-José Barbançon. Un concours de poésie en août à la bibliothèque de Boulouparis. Une exposition de documents anciens aux Archives. Des prestations artistiques au studio 56 de Dumbéa, le 28 septembre. Et la diffusion sur NC la 1ère en fin d’année d’un documentaire qui explore l’héritage de ce drame.

Louis-José Barbançon était l'invité du JT le mardi 11 juillet. Son entretien avec Loreleï Aubry.