Jean-Marc Ayrault: "je serai le garant du processus engagé en 1988" (vidéo: intégralité du discours du Premier ministre au congrès de Nouvelle-Calédonie)

Jean-Marc Ayrault au congrès de Nouvelle-Calédonie
Lors de son discours devant les élus du congrès de Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre a affirmé que l'Etat prendra toutes ses responsabilités, comme l'organisation d'un référendum d'autodétermination en 2018, sauf si une nouvelle solution consensuelle permettait d'éviter ce scrutin.

Le respect des symboles de la réconciliation

 
Le président du congrès, Gérard Poadja (Calédonie Ensemble) a remis au Premier ministre, deux présents: de la monnaie Kanak, l'un des piliers traditionnel de la coutume et un fouet pour réprésenter les " broussards" calédoniens d'origine européenne.
 
Des cadeaux qui selon le Premier ministe symbolisent parfaitement "ce fil du dialogue qui ne doit jamais être rompu" entre les différentes communautés calédoniennes.  "Cette terre de Nouvelle-Calédonie ne laisse jamais indifférent mais vous savez aussi car vous l'avez vécu douloureusement qu'elle nécessite une attention de tous les instants" a déclaré Jean-Marc Ayrault devant les élus du congrès de Nouvelle-Calédonie, en insistant donc sur la fragilité de l'équilibre politique calédonien.
 
Jean-Marc Ayrault souhaite s'inscrire dans " les pas et la cohérence" de ses prédécesseurs socialistes, Michel Rocard bien sûr, " le père des Accords de Matignon et d' Oudinot" en 1988 qui ont permis de ramener la paix en Nouvelle-Calédonie, mais aussi Lionel Jospin signataire au nom de l' Etat de l' Accord de Nouméa en 1998. " Je n'étais qu' un témoin de la signature de l'Accord de Nouméa" a rappelé Jean-Marc Ayrault qui faisait partie de la délégation de Lionel Jospin, "mais j'avais ressenti à l'époque quelque chose qui nous dépassait".
 
Lors de ce discours le Premier ministre a aussi évoqué l' Usine du nord, un symbole du " rééquilibrage" voulu par les Accords, " le nickel coule, c'est une véritable réussite industrielle, mais c'est surtout un succès politique en terme de rééquilibrage, cette usine en est la manifestation la plus tangible" a précisé Jean-Marc Ayrault.

Autre symbole, " le crâne d ' Atai a vocation à être restitué à la Nouvelle-Calédonie " a précisé le Premier Ministre. Le crâne de ce grand chef Kanak, meneur de l' insurrection de 1878 qui fut décapité, a été retrouvé en juillet 2011 dans les réserves du Jardin des Plantes à Paris et depuis son retour en Nouvelle-Calédonie suscite une polémique coutumière, Jean-Marc Ayrault a donc tenu à préciser que l' Etat est parfaitement disposé à le restituer à ses descendants.
 
Mais le point symbolique culminant de cet visite de Jean-Marc Ayrault sera sans aucun doute son passage sur l'Île d'Ouvéa samedi après-midi,"je vais m'incliner devant les tombes et les stèles de toutes les victimes" a précisé le Premier Ministre. Ouvéa qui a été le théâtre en 1988 de l'attaque de la gendarmerie de Fayayoué par des indépendantistes, puis d'une prise d'otages de plusieurs gendarmes qui a trouvé son dénouement dans le sang avec un assaut meurtrier.
Au cours des ses dramatiques évènements 19 indépendantistes et 4 gendarmes ont été tués et le 4 mai 1989, un an presque jour pour jour après la tragédie de la grotte d'Ouvéa, le président et leader charismatique du  FLNKS, Jean-Marie Tjibaou, et son bras droit, Yeiwéné Yeiwéné, étaient assassinés  par un opposant indépendantiste Djubelly Wéa lors de la cérémonie de levée de deuil organisée sur l'Île. 
 
"C'est la première fois qu'une haute personnalité, président de la République ou Premier ministre, se rend sur place depuis ces événements", explique-t-on dans son entourage. "Ce n'est possible que parce qu'on est dans la période de réconciliation."

Jean-Marc Ayrault avec le président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Gérard Poadja ( Calédonie Ensemble)

"Après 2014, il n'est pas question d'esquiver les interrogations"

 
Même si Jean-Marc Ayrault a voulu rassuré les calédoniens concernant le transfert des compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie prévu dans l'Accord de Nouméa afin de donner plus d'autonomie à l'archipel en déclarant que " les transferts de compétences ne signifient pas  désintérêt de l'Etat", il a néanmoins sur le fait que l'Etat "prendra toutes ses responsabilités " dans la dernière ligne droite de l'Accord de Nouméa.
 
Autrement dit l'Accord de Nouméa sera appliqué à la lettre, si d'ici 2018 aucune majorité des trois-cinquièmes ne s'est dégagée au congrès de Nouvelle-Calédonie," l' Etat se chargera d'organiser en 2018 le référendum d'autodétermination" prévue par la loi "sauf si une nouvelle solution consensuelle et donc une modification de la Constitution Française intervenait entre temps".
 
"Après 2014, il n'est pas question d'esquiver les interrogations", Jean-Marc Ayrault a aussi fortement insisté sur la nécessité de commencer à travailler sur la très sensible question politique du transfert des compétences régaliennes de l'Etat.
 
Ce vendredi midi, Jean-Marc Ayrault rencontre tous les représentant du Comité des Signataires de l'Accord de Nouméa," ce Comité des Signataires joue un rôle important, il nous permet de nous parler et de ne pas nous éloigner les uns des autres", à cette occasion l'ordre du jour de la prochaine réunion annuelle prévue à Paris le 11 octobre prochain devrait être finalisé, reste à savoir si le transfert des compétences régaliennes fera partie du menu. 
 
En ces temps de joutes électorales à quelques encablures du scrutin crucial des provinciales de 2014, le Premier ministre a aussi tenu a rappeler que l'Etat "se tiendra à l' obligation de réserve qui est la sienne" et ne fera donc aucun commentaire au cours de la campagne sur la vision de l'avenir et les différentes propositions statutaires des forces politiques calédoniennes
 
Enfin, sans enfoncer violemment le clou le Premier ministre a néanmoins évoqué la nécessité pour les responsables politiques de parvenir à définir rapidement une stratégie nickel cohérente, une urgence selon tous les spécialistes mondiaux de " l'or vert " calédonien si l'île française souhaite rester compétitive sur un marché en pleine mutation.
 

L'intégralité  du discours du Premier ministre devant le congrès de Nouvelle-Calédonie.