Un député dénonce le système
C'est en réponse à une question écrite du député socialiste de l'Aude Jean-Paul Dupré, que le ministère de la Défense communique sur ces nouvelles dispositions. Le député demande quelles sont les mesures prises pour "lutter contre certaines pratiques de surfacturation" lors des "prestations de déménagements des militaires mutés vers l'outre-mer, ou depuis l'outre-mer". L'élu s'étonne que le système actuel soit caractérisé par "l'absence de plafonnement des déménagements" de ces militaires mutés qui ont à fournir uniquement deux devis de déménagement pour finalement être remboursés. Selon le député, cela n'apporte pas une garantie suffisante quant à la réalité de la prestation.La Défense veut mettre fin "à certaines dérives"
En réponse, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense reconnaît clairement les errements du passé: "la souplesse adoptée dans l'application de ce dispositif a en effet pu conduire par le passé à certaines dérives". Dans la foulée, il annonce donc plusieurs mesures pour "limiter les tentatives de fraudes".Ainsi, désormais, il y aura dans chaque base militaire un personnel en charge des "changements de résidence". Il aura la responsabilité de vérifier que les devis fournis sont conformes. Pour cela, le ministère va définir -ce qui n'existait pas jusqu'à présent dans l'armée (!)- un coût moyen par M3 et par destination. Les devis dépassant ce coût moyen seront considérés comme litigieux et en cas de doute, un troisième devis sera demandé. Pour vérifier que les prestations de déménagements payées par le ministère sont effectivement réalisées, les contrôles de terrain vont se multiplier. Il s'agira notamment de vérifier que le mobilier effectivement transporté correspondant au cubage mentionné sur les devis.
Enfin, pour dissuader les militaires éventuellement tentés par la fraude, dés 2014, une charte sera remise à chaque personnel en mutation pour l'avertir des sanctions encourues.
Pourquoi ces nouvelles règles?
C'est en août 2012, que l'affaire a éclaté, avec la plainte d'un déménageur de Castelnaudary, dans l'Aude. A l'époque, il dénonce une vaste arnaque à laquelle il a refusé de prendre part: en résumé, certains déménageurs peu scrupuleux établissent des devis surgonflés. L'armée paye les déménagements, mais une partie de l'argent versée aux déménageurs revient en réalité aux militaires sous forme de rétro-commissions, de "cadeaux" et autres petites attentions parfaitement illégales.Un juge d'instruction du pôle économique et financier de Marseille a d'ailleurs ouvert un dossier sur ce type de pratiques dans les Bouches du Rhône.
En juin dernier, l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) avait mené une enquête en Nouvelle-Calédonie sur ces pratiques douteuses.
Un témoignage stupéfiant
A l'époque, Nouvelle Calédonie 1ère avait recueilli un témoignage assez stupéfiant sur les pratiques dans la gendarmerie et l'armée.Regardez le reportage de Sylvain Duchampt, Cédric Michaut et Christian Favennec:
Des pratiques qui coûtent cher à l'Etat!
Le ministère de la Défense ne donne aucun chiffre sur les surcoûts induits avec cette arnaque. Mais ce simple exemple donné aujourd'hui par le quotidien régional L'Indépendant, donne une idée de l'ampleur de la fraude: le coût d'un déménagement moyen pour un militiare du rang entre le département de l'Aude et la Guyane est d'environ 2 700 euros. Or, certains devis acceptés par l'Armée dépassaient les... 8.000 euros. Pour les officiers, qui ont droit à un cubage plus important, la facture peut grimper jusqu'à 22.000 euros.
Sachant qu'environ 40.000 militaires déménagent chaque année entre l'hexagone et l'outre-mer, ou vice versa, le surcoût pourrait s'avérer vertigineux.
Le plus étonnant est que dans les mesures annoncées pour tenter d'instaurer des garde-fous, le ministère de la Défense ne fixe toujours pas de plafond de coût pour les déménagements des militaires Outre-mer. Les autorités fixent uniquement des limitations de volume.