Melbourne avant la colonisation : le Pays de Cocagne des Boonwurrung

"Aborigènes au bord de la rivière Merri", de Charles Troedel (1865). Cette toile fait partie de la collection "Vues de Melbourne et du Victoria", conservée à la State Library of Victoria.
À quoi ressemblait Melbourne avant l'arrivée des colons ? Comment vivaient les Aborigènes ? La ville a englouti les terres traditionnelles des Boonwurrung, l'un des peuples aborigènes locaux. Mais on peut encore imaginer leur mode de vie quand on se rend au jardin botanique.
Aujourd'hui c'est une grande ville avec de hauts immeubles en acier et en verre, centrée sur les bords du fleuve Yarra. Il est difficile d'imaginer que Melbourne fut un Pays de Cocagne pour les Boonwurrung. Mais au jardin botanique, chaque jour, le guide aborigène Benjamin Church organise une visite pour les touristes, pour leur montrer quels plantes et arbres les Boonwurrung utilisaient pour se nourrir, se soigner, fabriquer des armes ou des paniers. 
 
Benjamin Church: « Avant, Melbourne, c'était une savane, une prairie plantée d'eucalyptus. Les Boon Wurrung brûlaient la prairie pour empêcher que les eucalyptus forment une forêt... comme ça les kangourous, les émeus, les wallabies ne pouvaient pas se cacher et étaient plus faciles à chasser. Et à l'époque, ils vivaient vraiment confortablement.  Ils avaient aussi du poisson, des anguilles, les plantes aquatiques, des oiseaux. 

 

Aujourd'hui, il n'y a plus de kangourous au jardin botanique, qui s'étend en plein centre-ville. Mais les eucalyptus rouges des rivières dominent toujours le parc. Cet arbre est absolument essentiel dans la culture Boonwurrung: B.C. : « On utilise l'huile essentielle de l'eucalyptus pour se soigner. Mais on se sert surtout de son bois pour faire nos outils, nos armes, nos boomerangs. Et bien sûr, c'est dans cet arbre qu'on creuse nos pirogues. »
 
Les premiers colons britanniques se sont installés dans le Victoria en 1803. À l'époque de ce premier contact entre Blancs et Aborigènes, les Boonwurrung occupaient la moitié sud de Melbourne, jusqu'à l'océan. On estime que la population comptait environ 500 personnes, réparties dans une dizaine de clans. Ils ont tout de suite résisté à l'installation des colons, et leur population a rapidement décliné. Les Boonwurrung ont perdu leurs terres, mais une partie de leur culture a été sauvegardée. Par exemple, leur utilisation des feuilles du lomandra, une ressource cruciale. 
 
B.C. : « Les femmes effilent les feuilles, elles utilisent les fibres pour fabriquer des paniers très profonds et étroits, qui servent à attraper les anguilles. On relève les paniers après les avoir laissés plusieurs jours dans l'eau. » 

Benjamin Church montre des brins de lomandra longifolia, une plante utilisée par les Boonwurrung pour faire de la vannerie, principalement des paniers pour attraper du poisson et des anguilles.

 

Ben Church guide cette visite tous les jours de l'année au jardin botanique. Et cette visite, c'est souvent le premier contact des touristes, étrangers ou australiens, avec la culture aborigène locale. B.C. :  « Même les Melbourniens ne savent pas forcément comment vivaient les Boonwurrung. Et ce qui est difficile, c'est que pour les touristes, un Aborigène c'est quelqu'un qui déambule nu dans le désert rouge du centre de l'Australie. Moi j'essaie de casser ce cliché en insistant sur la diversité des peuples aborigènes. Celui de Melbourne vivait dans un autre climat et avec des ressources très différentes. Les visiteurs me demandent souvent s'il y a encore des Aborigènes qui vivent de façon traditionnelle ici. Généralement je leur réponds que je suis aborigène et je vis ici, mais que ce n'est plus possible de vivre traditionnellement parce que nos terres nous ont été retirées pour construire la ville. Nous n'avons plus accès au gibier par exemple. »
 
Pour Philip Ettman, un touriste allemand qui vit en Nouvelle-Zélande, cette visite botanique est une parfaite introduction à la culture aborigène:  « C'est la première fois que je viens en Australie. Et je suis toujours très intrigué par les cultures indigènes, parce qu'elles permettent de comprendre les origines du pays et leur connection à la terre. »