Affaire Pérès-Martinez : au sixième jour du procès en appel, une contre-expertise psychiatrique

Audition d'un contre-expert par visio-conférence.
Le procès de l’affaire Pérès-Martinez a repris comme prévu ce mardi 11 avril, devant les assises de Nouvelle-Calédonie. Cette semaine, des témoignages clés sont attendus, notamment celui d’un ami de la victime entendu ce jour. En soirée, un expert psychiatre criminologue a été joint en visio-conférence.

Le sixième jour de ce procès fleuve en appel s’est déroulé comme prévu, mardi 11 avril, au tribunal de Nouméa. A nouveau, Olivier Pérès est intervenu à la barre puis, jusque tard dans la soirée, c'était l'audition attendue, par visio-conférence, de l’expert psychiatre criminologue Roland Coutanceau. Selon lui, l'accusé ne souffre d’aucun antécédent psychiatrique, ni de trouble de la personnalité. Il apparaît comme étant, au moment des faits, dans un contexte de dépression. Pour le professionnel, il y a eu une altération du discernement. Reprise des audiences ce mercredi matin, à 8h30.

Pour revenir plus en détails sur la sixième journée, après une suspension de trois jours, elle a commencé avec le témoignage à la barre d’un ami de la victime : Jean-Daniel Burtet, notaire de profession. En 2003-2004, client de l’étude notariale de M. Burtet, Éric Martinez devient son ami.

Relation extra-conjugale

Devant les assises mardi matin, le témoin est revenu sur la relation extra-conjugale qu’entretenait Éric Martinez avec Mathilde Pérès, fin 2017. Il explique avoir conseillé son ami avec deux possibilités : cesser cette histoire, ou divorcer de sa femme. Finalement, les amants vont se séparer. Jean-Daniel Burtet l’assure : son ami était "abattu, triste, sans aucune animosité à l’encontre du couple Pérès". Il craignait d'ailleurs qu’Olivier Pérès "ne vienne lui tirer dessus à son domicile. Il voulait même pénétrer chez les Pérès pour enlever les percuteurs des armes", explique l’ami de la victime.

La présidente de la cour revient sur la relation extra-conjugale d’Eric Martinez. Le témoin répondra : "Il était extrêmement amoureux de Mathilde Pérès, il ne comprenait pas qu’elle décide de rompre avec lui." La présidente fait référence à un SMS envoyé à Éric Martinez par Mathilde Pérès - "Je ne veux plus te voir, Olivier m’a tout raconté, tu es un pervers." Me Martin Calmet, avocat de la partie civile, interroge à son tour le témoin. "Êtes-vous certain, à 100 %, qu’Olivier Pérès avait envoyé un SMS à Éric Martinez : 'Fais attention à toi, si je te vois sur le golf' ?" Jean-Daniel Burtet répond par l’affirmative. 

"Il était dans le spectacle"

L’un des avocats de la défense, Me Laurent Aguila, questionne le témoin sur ses déclarations dans lesquelles il disait que l’accusé était "farouchement opposé à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, qu’il était raciste". Et ajoute : "C’est plutôt Éric Martinez qui organisait des réunions de quartier. Vous êtes venu dire du mal d’Olivier Pérès !". Le témoin de répondre : "Je ne peux pas vous laisser dire des choses que je n’ai pas dites.

Me Aguila continue à interroger Jean-Daniel Burtet. "Avez-vous déjà participé à des réunions intimes avec des jeunes femmes avec Éric Martinez ?" Le témoin répond par la négative. "De 2002 à 2017, certains disaient qu’Eric Martinez était infidèle, mais je n’ai eu connaissance que d’une seule relation, celle qu’il avait avec Mathilde Pérès."

Et Me Cécile Moresco de glisser : "Comment faisiez-vous pour faire le tri dans ce que disait Eric Martinez ? La victime avait l’habitude de manipuler tout le monde". Le témoin déclare que "M. Martinez pouvait mentir, mais il était dans le spectacle". Concernant l’inquiétude qu'il avait vis-à-vis d’Olivier Pérès, "cela correspondait à la réalité". 

Auditions 

De son côté, Me Céline Lasek est revenue sur les auditions passées de Jean-Daniel Burtet, auprès des forces de l’ordre. "Les policiers lui rappellent qu’il a prêté serment de dire toute la vérité." Les agents s’étonnent aussi que M. Burtet accompagne Laurence Martinez et qu’il insiste pour assister aux auditions. Le témoin répondra : "Je trouvais ça normal de venir en aide à l’épouse de mon ami". L’avocate parisienne est également revenue sur le fait que M. Burtet voulait savoir ce qui avait été dit par Olivier Pérès aux autres témoins.  Un témoin largement sollicité par les avocats de la défense, mardi matin. À tel point qu’une nouvelle fois, la présidente de la cour lui rappelle qu’il doit garder son calme dans ses réponses. Avant de suspendre les débats. 

Après la reprise, Me Aguila continue de questionner Jean-Daniel Burtet. "Vous n’avez pas l’impression d’être passé à côté d’Eric Martinez ?". Réponse : "J’ai considéré qu’il y avait des parts d’ombre dans sa personnalité, je n’ai jamais essayé de démêler le vrai du faux. J’en ai découvert d’autres que je ne connaissais pas [faisant référence aux plaintes de harcèlement de jeunes femmes dans le passé, à l’égard d’Eric Martinez]". Un témoignage de près de deux heures, qui se termine par une déclaration choc : "Je peux comprendre qu’Olivier Pérès ait tué l’amant de sa femme."

23e témoin à la barre

Témoignage également entendu mardi matin, celui d’un autre ami d’Eric Martinez, garagiste de profession. Il évoque sa passion des armes à feu, qu’il partageait avec la victime. L'homme déclare avoir vu une fois son ami avec Mathilde Pérès, pour une réparation sur son véhicule. "Il s’était vanté d’avoir des relations extra-conjugales", lance le témoin.

La semaine avant les faits, "Éric était perturbé", poursuit le garagiste. Il relate des propos de celui-ci : "Il faut que je fasse gaffe, Olivier Pérès va me tirer dessus à travers le portail de mon domicile." Le témoin déclare ne pas avoir pris au sérieux les craintes de son ami. Des déclarations qui n’avaient pas été dites lors de ses premières auditions, selon Me Aguila. "Se souvenir de quelque chose d’aussi grave aujourd’hui, cela a de quoi poser des questions. Ce que vous avez dit le lendemain des faits, ne correspond pas à vos déclarations d’aujourd’hui. On peut penser à un faux témoignage" ajoute Me Moresco. Le témoin répondra que ce souvenir était "gravé dans sa mémoire".

Habitué à se rendre tous les lundis avec Éric Martinez dans un stand de tir, le garagiste déclare que son ami était très attentif aux règles à respecter concernant les armes. Jean-Daniel Burtet les rejoignait lors de ces séances. Interrogé par Me Cécile Moresco, il déclare ne plus aller aussi souvent au stand de tir, depuis le décès de son ami. Cette passion, il la partageait avec lui. Aujourd’hui, c’est différent. 

Olivier Pérès à nouveau entendu

Olivier Pérès était de retour à la barre, ce mardi. Il est revenu sur les faits qui ont précédé le drame du 13 septembre 2018. Il est revenu sur la caméra espion, que l’accusé découvre à son domicile le 29 août et que Laurence Martinez va lui prendre des mains. Il déclare avoir envoyé un message à Éric Martinez, "espion de pacotille, véritable traître. Le danger Martinez commence là". Olivier Pérès rencontre Laurence Martinez le lendemain. Il veut récupérer la caméra. De rencontre en rencontre, elle le met selon lui en garde, son époux est un homme dangereux. Elle-même est effrayée, terrorisée, décrit-il. "Son mari allait la découper en morceaux".

L'accusé à nouveau entendu à la barre, ce mardi 11 avril 2023.

Elle lui parle des renseignements pris par Mathilde Pérès concernant un divorce. "L’intensité de la menace, je l’avais par Laurence Martinez". L’accusé dit n’avoir jamais douté de la sincérité de l’épouse Martinez. 

Interrogé par la présidente de la cour, Olivier Pérès revient ensuite sur le 4 septembre. Lorsque l’accusé se rend sur son bateau. Il va effectuer une tentative de suicide. À ce moment-là, "tout est perdu, je vais perdre la vie si je me mets en travers d’eux [Mathilde Pérès et Éric Martinez]", explique-t-il. Il met ses proches au courant de la situation (le Dr Labbé, un de ses frères cadets, une collègue et amie prothésiste). Il porte plainte auprès des forces de l’ordre. Olivier Pérès se réconcilie avec sa femme, "on a décortiqué tout ce qui s’était passé au Vietnam, les mensonges… On avait démonté tout le stratagème des Martinez, il était irréversible."

Deux thèses s'opposent

Me Martin Calmet, l'un des deux avocats de la partie civile, déclare ne pas savoir comment réagir face aux déclarations d’Olivier Pérès. "Pourquoi laisse-t-il ses enfants jouer seuls sur le practice de golf si il craint pour leur sécurité ?". Le 13 septembre 2018, à 17h30, lorsque l’accusé est rentré chez lui, il déclare ne pas avoir peur pour ses enfants. Il ajoute avoir voulu "régler le problème de fond". Me Calmet d'ajouter "qu’il souhaitait reconquérir le golf et inverser la peur", déclarations faites par Olivier Pérès depuis le début de la procédure. L’avocat de la partie civile s’interroge : "Il y a comme un grain de sable dans l’engrenage !"

De son côté, l’avocate générale Claire Lanet lui montre une photo sur laquelle il apparaît en tenue de combat. Il déclare avoir été habillé ainsi par le couple Martinez lorsque sa femme Mathilde était en voyage au Vietnam. Elle, reviendra sur des déclarations passées lors des auditions d’Olivier Pérès au magistrat instructeur, "Éric Martinez est le seul à savoir qu’il n’est pas armé".

Deux thèses s’opposent : est-ce que la victime a chargé? Si oui, l’a t-elle fait de manière désespérée ou était-ce la charge d’un psychopathe? Olivier Pérès déclare, "je ne veux pas justifier la mort d’un homme, je regrette de l’avoir fait dans le livre". 

Discernement altéré selon l'un des experts psychiatres

Me Calmet interroge à nouveau l’accusé. "Avez-vous dit la vérité à l’enquêteur ? Est-ce que l’élément déclencheur du drame du 13 septembre 2018, c’est le message sur messenger [message qu’il n’avait pas pu ouvrir et qui l’avait préoccupé] ? C’est l’appel de votre femme qui déclare être au practice de golf ? Ou est-ce pour protéger vos enfants ?" L’accusé répond que "c’était un tout". Pour Me Calmet, il a changé de versions. 

Olivier Pérès de retour devant les assises, ce mardi 11 avril 2023.

Pour la défense, représentée notamment par Me Laurent Aguila, l’un des experts psychiatres (le Dr Southwell), déclare que le discernement d’Olivier Pérès était altéré lors des faits. Est-ce que vous confirmez cela ?, demande l’avocat. L’accusé déclare avoir eu extrêmement peur d’Eric Martinez. Il n’aurait pas agi, s'il n’avait pas eu la certitude que son voisin allait agir à son tour. "Pourquoi avez vous pris un fusil, le jour du drame ?" Olivier Pérès répond à son avocat que tout en étant terrorisé, il montre son fusil à Éric Martinez pour l’impressionner. "Je pense à ce moment-là pouvoir régler les choses."

Interrogé, il dit qu’"Éric Martinez n’est pas impressionné. Il continue à avancer entre le premier et le deuxième tir. Il charge avec calme et détermination." "Pourquoi ne partez vous pas à ce moment-là ?", demande son avocat. "C’est une réaction de défense, c’est instinctif, je recharge mon arme car c’est lui ou moi", déclare l’accusé. 

"Altération mais pas abolition du discernement", renchérit un autre expert

Dans la soirée, l’expert psychiatre criminologue, le Dr Roland Coutanceau, est entendu par visio-conférence depuis l'Hexagone. Il revient sur les plans psychiatrique et psychologique, ainsi que sur le spectre du comportement de l’accusé. Pour l’expert, Olivier Pérès ne souffre d’aucun antécédent psychiatrique ni de trouble de la personnalité. Il ne présente pas non plus de dangerosité criminelle après les faits. Décrit comme un homme contrôlé, curieux, sans fonds anxieux, un peu égo-centré, d’une intelligence au dessus de la moyenne, il apparaît dans l’expertise comme étant, au moment des faits, dans un franc contexte de dépression.

Pour le professionnel, il y a eu une altération du discernement, mais pas d’abolition du discernement. "L’accusé n’était pas sous emprise mais la représentation que l’accusé pouvait avoir d’Eric Martinez est centrale dans le passage à l’acte", déclare le Dr Coutanceau. Le temps 1 de "la relation amicale" entre l’accusé et la victime est pour lui la fascination. Le temps 2 est la trahison. Le temps 3 est marqué par l’intervention de Laurence Martinez. Mais "qui dit vrai dans les échanges qu’ils [Laurence Martinez et Olivier Pérès] ont pu avoir " ?

"La victime intriguait son voisin"

La présidente de la cour demande s'il y avait une emprise ou une manipulation de la part d’Eric Martinez. L’expert estime que "la victime intriguait son voisin". Que "dans sa relation avec Éric Martinez, Olivier Pérès n’est pas au niveau de ce que l’on attendrait de lui". Dans ce dossier, le Dr Coutanceau déclare que ce n’est pas une situation de crime passionnel lambda, animé par la jalousie et le syndrome d'abandon.

Me Martin Calmet interroge l’expert : "Si la réconciliation entre Olivier et Mathilde Pérès n’était pas effective avant les faits, est-ce que votre expertise pourrait évoluer, ou pas ?" En ajoutant que l’accusé déclarait au précédent expert psychiatre : "Mathilde, c’était ma perdition !" Le Dr Coutanceau répond qu’il faut faire attention "à la sur-interprétation d’un mot". Son hypothèse est "qu’il est touché par la séparation mais pas dévasté"